Ça parle de quoi ?
En Chine, dans les années 1990, trois meurtres sont commis dans la petite ville de Banpo. Ma Zhe, le chef de la police criminelle, est chargé d'élucider l'affaire. Un sac à main abandonné au bord de la rivière et des témoignages de passants désignent plusieurs suspects. Alors que l’affaire piétine, l’inspecteur Ma est confronté à la noirceur de l’âme humaine et s'enfonce dans le doute...
Bon plan (séquence)
En mai 2023, la présentation d'Only the River Flows au 76ème Festival de Cannes, dans la catégorie Un Certain Regard, était un petit événement. Pas tant pour le nom de son réalisateur, qui n'est pas (encore ?) l'une des rock stars de la Croisette, que sa simple présence dans le Sud de la France.
Avec Wang Bing, qui présentait Jeunesse en Compétition, Shujun Wei était l'un des premiers cinéastes chinois à venir avec son film à Cannes, depuis la réouverture des frontières post-Covid. Récompensé par une mention spéciale du Jury en 2018, pour son court métrage On the Border, le metteur en scène avait hélas était accueilli par la pluie l'an passé.
Ce qui était néanmoins raccord avec l'ambiance à l'écran. Après un récit consacré à la jeunesse de son pays (Courir au gré du vent) puis une satire du milieu du cinéma (Yong an Zhen Gu Shi Ji), le réalisateur change de registre et s'attaque à un pur film noir, où la pluie fait presque partie des protagonistes au vu de son temps de présence.
Non seulement la résolution de l’énigme n’est pas son unique enjeu, mais l’œuvre est également plus secrète
"L’adaptation de la nouvelle de Yu Hua [dont le film s'inspire] comporte en elle-même plusieurs données", dit Shujun Wei dans le dossier de presse. "D'abord le récit d’une série de meurtres, écrit par Yu Hua dans le style littéraire des années 80-90, et porteur de thèmes alors très présents : d’une part le poids excessif de l’esprit collectif qui pèse sur l'individu, et d’autre part la solitude de l’individu face à un monde absurde."
Des aspects que l'on retrouve dans les deux premiers tiers du récit, très appliqués à défaut de franchement sortir des sentiers battus. Jusqu'à une bascule dans le troisième acte, qui correspond à ces propos du metteur en scène.
"La nouvelle comporte aussi une forme de subversion du récit policier traditionnel : non seulement la résolution de l’énigme n’est pas son unique enjeu, mais l’œuvre est également plus secrète, plus inattendue, plus obscure que les récits policiers classiques, ce qui a contribué, à l’époque, à faire considérer la nouvelle comme une œuvre d‘avant-garde."
Only the River Flows récompense alors les spectateurs les plus patients en insufflant un peu plus d'ambiguïté dans son enquête. Et de virtuosité, grâce au plan-séquence complètement envoûtant (effet bien aidé par la fatigue qui habitait chaque festivalier l'ayant découvert à Cannes) qui ouvre cette partie et permet d'élever l'ensemble.
Une belle manière de flouter les frontières entre réalité et fiction (avec un commissariat délocalisé dans un cinéma désaffecté) dans ce film qui n'est pas sans rappeler le Memories of Murder de Bong Joon-ho, et finit par captiver et intriguer dans son dernier tiers. Assez pour se dire qu'il faut bien suivre son auteur de près.