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    "Mon film a été un échec monstrueux" : le réalisateur du Nom de la Rose garde un souvenir douloureux de son premier long métrage
    Olivier Pallaruelo
    Olivier Pallaruelo
    -Journaliste cinéma / Responsable éditorial Jeux vidéo
    Biberonné par la VHS et les films de genres, il délaisse volontiers la fiction pour se plonger dans le réel avec les documentaires et les sujets d'actualité. Amoureux transi du support physique, il passe aussi beaucoup de temps devant les jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance.

    Lorsque Jean-Jacques Annaud livre ses anecdotes de tournage, ca donne une séquence savoureuse. Comme celle autour de son tout premier film, "La Victoire en chantant". Un film oscarisé en 1977; mais Annaud n'a jamais vu la précieuse statuette...

    Il est toujours passionnant d'écouter de grands noms du cinéma se livrant à quelques (savoureuses) confidences sur leurs parcours. Surtout lorsqu'ils sont volubiles et connus pour ne pas pratiquer la langue de bois.

    C'est singulièrement le cas de Jean-Jacques Annaud, qui se prête toujours volontiers à cet exercice, que ce soit dans le cadre d'une masterclass comme celle, formidable, qu'il avait donné à Lyon l'an dernier, au festival Lumière. Ou encore, pour les lecteurs, cet entretien fleuve qu'il a accordé au magazine Les Années Laser du mois de mai, pour lequel il a accepté de revenir sur sa carrière; entre belles anecdotes et souvenirs nettement plus acrimonieux.

    "Mon film a été un bide monstrueux en France, à la grande jouissance de mes confrères"

    En 1976, Annaud sortait son tout premier long métrage : La Victoire en chantant. "J'en ai puisée l'idée dans une Histoire du Cameroun écrite par un ecclésiastique, qui racontait comment un général allemand avait résisté dans un petit village au nord du pays aux assauts des Français et des Anglais durant la Première Guerre mondiale" raconte Annaud au magazine.

    Le montage financier du film fut un enfer, "notamment en France où Claude Berri m'avait affirmé, je le cite, "que les films de nègres, ca n'intéressera personne". Annaud a finalement pu tourner en Côte d'ivoire, avec une équipe majoritairement locale.

    C'est peu dire que la stupéfaction fut totale lorsque son film a remporté l'Oscar du Meilleur film international, en 1977. De quoi atténuer le douloureux échec du film en salle en France, qui n'avait même pas attiré 175.000 spectateurs. Dans sa masterclass tenue à Lyon l'an dernier, le réalisateur lâchait d'ailleurs : "Mon film a été un bide monstrueux en France, à la grande jouissance de mes confrères". Pas très bienveillants, effectivement...

    Agence Méditerranéenne de Location de Films (A.M.L.F.)

    "L'Oscar ? Je ne l'ai jamais vu !"

    "Quand il a remporté l'Oscar, j'étais chez moi, à Paris et non Los Angeles, car mon coproducteur suisse, Arthur Cohn, avait entretenu auprès des américains l'idée que j'étais noir, et que ca aurait selon lui nui au film s'ils avaient su que j'étais blanc". Hallucinant.

    "Toujours est-il que je suis devenu en quelques heures un type formidable doublé d'un cinéaste génial, y compris aux yeux de Claude Berri et de mon épouse qui était en train de me quitter de façon tout sauf amiable. La veille, elle me balançait : "tu t'es bien planté mon pote !" parce que le film ne marchait pas bien en salles".

    Et Annaud d'enfoncer en guise de conclusion cette ahurissante anecdote : "Quant à l'Oscar, je ne l'ai jamais vu. Il doit être sur le bureau d'Arthur Cohn".

    Porté par de merveilleux acteurs et actrices, dont Jean Carmet, Jacques Dufilho et Catherine Rouvel, La Victoire en chantant (autrement connu sous son nom "Noirs et Blancs en couleurs") est une féroce et géniale satire de la France coloniale, dont le scénario fut d'ailleurs co-écrit avec un grand nom, George Conchon, qui avait obtenu le Prix Goncourt en 1964 pour son livre L'Etat sauvage, adapté en 1978 par Francis Girod dans un film portant le même titre.

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