Un océan de roche blanche constellée de pinèdes, des vagues de collines qui ondulent sous un soleil triomphal, un ciel immaculé dans lequel se promène doucement la caméra d'Yves Robert. Et pour rendre musicalement justice à ce "désert de garrigue" qui a accueilli les premiers souvenirs de Marcel Pagnol, une symphonie de cigales.
Un génie de la musique de films
Tous ceux qui ont grandi avec La Gloire de mon père, excellente adaptation du roman éponyme signée en 1990, ne peuvent avoir oublié la magistrale partition qui sert à ouvrir le long métrage, et que l'on retrouve d'ailleurs un peu partout dans le film.
Ce thème principal, que l'on pourrait aisément ranger parmi les plus belles musiques du cinéma français, a été composé par l'un de ses meilleurs compositeurs : le légendaire Vladimir Cosma, auquel on doit également des bandes originales comme celles de La Boum, de L'As des As, de La Chèvre, des Aventures de Rabbi Jacob ou encore du Dîner de cons.
"Je voulais élargir l'univers de Pagnol."
Dans le cas de La Gloire de mon père, c'est en ayant l'idée géniale d'utiliser de véritables cigales pour rythmer sa musique qu'il a si mémorablement rendu justice à l'oeuvre de Pagnol, ainsi qu'il nous l'avait confié en 2016, lorsque nous avions eu la chance de le rencontrer à l'occasion de ses 50 ans de carrière.
"J'ai eu une période de 3 mois pour trouver l'idée de ce que devait être la musique", nous avait-il raconté.
"Je savais ce que je ne voulais pas faire. Je ne voulais pas faire une musique méditerranéenne, carte postale, avec des choses qu'on imagine de Marseille. Je voulais élargir l'univers de Pagnol, d'une part. D'autre part, je ne voulais pas faire une musique typiquement enfantine, sous prétexte que ce sont des souvenirs d'enfance, et imaginer une musique un peu caricaturale telle qu'on la fait pour les enfants."
Des cigales au lieu des percussions
Le défi principal de Cosma était alors de trouver le juste milieu entre un thème assez grandiose pour pouvoir illustrer le paysage, mais pas trop non plus, afin de ne pas l'éclipser.
"Il fallait que ma musique soit suffisamment large pour accompagner ce générique où l'on ne voit que des montagnes, mais que ce ne soit pas trop ample, trop énorme, pour écraser le film. Jusqu'au moment où je suis arrivé à l'idée de la Habanera. Pourquoi la Habanera ? Parce qu'au moment où Pagnol a écrit ses souvenirs, dans les années 30, les compositeurs s'inspiraient beaucoup de la musique espagnole, du flamenco, Ravel, Debussy... Le côté dansant donnait une légèreté."
C'est alors que le maestro a eu la plus grande idée de sa composition : remplacer les percussions habituelles par ce que Pagnol aimait lui-même à appeler "la rumeur cuivrée des cigales" :
"(...) Je suis allé à Marseille les enregistrer, pour pouvoir faire des plans sonores. J'ai remplacé chaque instrument que j'avais écrit pour des percussions classiques avec ces différentes sonorités de cigales que j'ai samplées en mesure et que j'ai superposées à mon orchestre symphonique. Donc ça donne une couleur méditerranéenne."
Propos recueillis par Brigitte Baronnet en septembre 2016
(Re)découvre la bande-annonce de "La Gloire de mon père"...