Après la sortie de Batman Forever, Warner est ravi. Le film de Joel Schumacher a rapporté plus de 184 millions de $ sur le territoire américain, pour des recettes au BO mondial dépassant les 336 millions.
Qu'à cela ne tienne, la major augmente la mise de départ : d'un budget de développement / production de 100 millions sur Batman Forever, Batman & Robin voit son enveloppe passer à 125 millions. Une sacrée somme, là où un Tim Burton se "contentait" de 80 millions pour son Batman, le défi.
Un crash industriel
Sauf qu'à l'arrivée, Batman & Robin sera unanimement considéré comme un naufrage artistique, doublé d'une énorme contre-performance au box office mondial. Il est toujours bon de revoir le générique du début du film pour se convaincre du crash industriel du film. Depuis sa sortie, George Clooney n'a pas cessé, non sans humour d'ailleurs, de faire acte de repentance pour sa participation. Même le réalisateur a fait amende honorable, en 2017.
Rien que dans les trois premières minutes, les fans furent horrifiés par ces plans sur l'entrejambe et les fesses des personnages, le tout baignant dans des couleurs criardes. Il ne manque plus qu'un travelling sur le tube digestif de Clooney pour être complet...
Le revoici, pour le souvenir...
Robin, un super-héros devenu radioactif
En fait, le crash artistico-industriel fut tel qu'il a enterré pour huit ans toute nouvelle itération cinématographique autour du personnage de Batman, avant la relecture orchestrée par Christopher Nolan dans Batman Begins. Le 5e volet Batman prévu, baptisé à l'époque Batman Unchained, fut torpillé.
Mais aussi le spin off prévu qui devait être centré sur Robin. Ayant incarné le personnage dans Batman Forever, Chris O'Donnell avait logiquement rempilé pour Batman & Robin. L'ex héros romantique vu auparavant dans Le Temps d'aimer a vu sa carrière gravement plombée par ce rôle.
Dans un concours de circonstances malheureuses, il aurait pu incarner à la même période l'agent J de Men in Black. Steven Spielberg, qui produisait alors le film, l'avait en effet poussé à rencontrer Barry Sonnenfeld, qui devait réaliser le film.
Mais ce dernier n'avait aucune envie de lui confier le rôle, et l'a piégé, en quelque sorte, comme il le racontera dans une interview du Huffington Post en 2017 : "je savais que je voulais Will Smith, alors j'ai dit à Chris que je n'étais pas un très bon réalisateur et que je ne pensais pas que le scénario était très bon, et que s'il avait d'autres options, il ne devrait pas faire Men in Black". Sympa le conseil, quand on sait que le film fut un succès colossal et une sacrée carte de visite pour Smith...
A la même époque, Chris O'Donnell fut aussi considéré par la Fox pour incarner le personnage de Jack Dawson dans un certain Titanic, qui ira finalement, comme on le sait, à Leonardo DiCaprio. Là où ce rôle dans le film épique de James Cameron mettra définitivement sur orbite la carrière du roi Léo, celle de Chris O'Donnell plongeait comme le Titanic...
Dans les années qui ont suivi Batman & Robin, Chris O'Donnell s'est contenté d'une poignée de films, la plupart passant complètement sous le radar, à l'exception peut-être d'un honorable Vertical Limit de Martin Campbell, en 2000. Les propositions s'asséchant côté cinéma vers 2003, il s'est alors tourné vers la télévision.
Jouant les guests stars dans des show comme Mon oncle Charlie ou The Practice, il a fini par avoir un rôle récurrent dans Grey’s Anatomy. En 2009, c'est son rôle dans la série NCIS : Los Angeles qui l'a vraiment sorti de l'ornière.
De Bat Girl à Fat Girl
Si Chris O'Donnell est sorti salement cabossé de son expérience sur Batman & Robin, que dire d'Alicia Silverstone, qui fut prise dans un maelstrom de critiques toutes plus violentes les unes que les autres, raillant même un éventuel surpoids au point de détourner le nom de son personnage en Fat Girl ?
Encore auréolée du succès de Clueless, sorti deux ans plus tôt, la jeune actrice, véritable It Girl du milieu des années 90, a vu sa carrière gravement intoxiquée après avoir accepté son rôle de Barbara Wilson / Bat Girl.
Dans une filmographie d'après Batman & Robin où surnageaient des oeuvres alimentaires, entre Scooby-Doo 2 : les monstres se déchaînent, Le Casse ou Vamps, la comédienne s'est absentée des plateaux pendant un moment.
"Ils se moquaient de mon corps quand j’étais plus jeune" racontera-t-elle dans un entretien accordé au Guardian, en 2020. "C’était blessant, mais je savais qu’ils avaient tort. Je n’étais pas confuse. Je savais qu’ils n’avaient pas le droit de se moquer du corps de quelqu’un, que ça ne semblait pas être la bonne chose à faire envers un être humain".
"Les conditions de travail [sur ce film] étaient plus que défavorables" ajoutait-elle, au point de confier avoir "perdu le goût de la comédie pendant très longtemps" après ce film. Dans un précédent entretien accordé au même journal cinq ans plus tôt, elle revenait déjà sur cette amère expérience post Batman.
"J'étais tellement bouleversée. J'étais juste un enfant de théâtre. Je n'ai jamais voulu être dans des films ou à la télévision. Il n'y a aucun soutien ni aucune formation sur ce que vous faites lorsque vous vous retrouvez soudainement célèbre en tant que jeune femme. C'était juste trop pour moi.
J’ai donc décidé d’utiliser cela pour mettre en lumière quelque chose qui me tient à cœur. Je suis partie en quête pour changer le monde, pour améliorer les choses – pour les enfants, pour la terre, pour les animaux. Je ne faisais pas attention à ma carrière, je faisais attention à autre chose".
Ayant repris le chemin des plateaux avec plus de régularité depuis quelques années, et au-delà de choix artistiques pas toujours heureux, l'actrice est plus apaisée et sereine, et a surtout su tourner cette page douloureuse qui a durablement impacté sa carrière.
"En ce qui concerne mon travail, je n'éprouve plus que du fun. [...] Je suis très heureuse dans ma vie. Ce n’est pas facile d’être à la fois militante, mère [de son fils Bear] et actrice. Mais je fais de mon mieux" confiait-elle en février 2023 au Hollywood Reporter.