De quoi ça parle ? En 1928, alors que Paris vit au rythme des années folles, la danseuse Ida Rubinstein commande à Maurice Ravel la musique de son prochain ballet. Tétanisé et en panne d’inspiration, le compositeur feuillette les pages de sa vie - les échecs de ses débuts, la fracture de la Grande Guerre, l’amour impossible qu’il éprouve pour sa muse Misia Sert… Ravel va alors plonger au plus profond de lui-même pour créer son œuvre universelle, le Bolero.
Pressenti(e)s
Swann Arlaud, récemment sacré Meilleur acteur dans un second rôle aux César pour son personnage d'avocat dans le primé Anatomie d'une chute, était à l'origine envisagé pour se glisser dans la peau de Maurice Ravel. Virginie Efira et Vicky Krieps étaient elles aussi pressenties pour prendre part au biopic réalisé par Anne Fontaine (qui par ailleurs est familière du genre puisqu’on lui doit Coco avant Chanel, un film de 2009 sur la grande couturière).
Naissance du projet
Anne Fontaine est en premier lieu partie d'un souvenir : lorsqu'elle était jeune danseuse, elle a été marquée par le "Bolero" dans la chorégraphie de Maurice Béjart, dansé par Jorge Donn, qu'elle a trouvé à la fois moderne et érotique. La réalisatrice précise : "Il y a ensuite un désir : l’envie, depuis longtemps, de réaliser un film sur la musique et la danse - mon père étant compositeur et organiste, j’ai baigné toute ma vie dans une atmosphère musicale. Il y a enfin l’énigme que représente le créateur de cette œuvre inoxydable, qui voyage à travers les époques et les pays, inspire les groupes pop comme la musique répétitive. Comment Ravel l’avait-il conçue ?"
"Je savais peu de choses sur sa personnalité. Je me suis mis en tête de le rencontrer à travers la construction cyclique et envoûtante du « Bolero »."
Le Belvédère
Anne Fontaine a tourné dans la vraie maison de Ravel, Le Belvédère, à Montfort-l'Amaury dans les Yvelines : "C’est un véritable miracle qu’on ait obtenu le droit d’y planter notre caméra. Ravel l’avait entièrement conçu pour y travailler. Tout y est à son image – les bibliothèques, les frises,l’étroitesse des couloirs, le jardin japonais ; tout y est petit – comme lui, et comme le rappel de la douleur qu’il en éprouvait. Je l’avais visitée, bien sûr, et pensais reconstruire un décor jusqu’à ce que je me dise qu’il serait extraordinaire d’y tourner, là, et dans le cimetière de Montfort-l'Amaury."
"Cela a été de longues tractations, et la mairie a fini par me faire confiance. En posant une seule condition : nous ne pouvions pas être plus de sept personnes dans les lieux. Le prestige d’Alexandre Tharaud, qui joue la musique du film, immense pianiste et grand ravélien, a sûrement aidé à cet accord", se rappelle la réalisatrice.
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Moins 10 kg pour Raphaël Personnaz
Ravel était très maigre et très sec. Ainsi, Raphaël Personnaz a perdu 10 kilos, par soucis de ressemblance, mais aussi pour rentrer dans la peau du personnage : "Alexandre Tharaud m’avait confié que, lorsqu’il jouait du Ravel, il avait le sentiment de rentrer dans ses mains. J’aimais beaucoup l’image. J’ai essayé d’appliquer cela à mon corps. Ravel se tient toujours très droit. Il existe vingt-trois petits films muets de lui : dès qu’il sent que l’attention est posée sur lui, qu’il repère la caméra ou que quelqu’un s’approche de lui, il se raidit."
"Même lorsqu’il est au piano, il se tient très droit. Comment pouvait-il vivre éternellement comme cela ? Mystère. Il ne se relâchait qu’en composant sa musique. J’ai donc travaillé cette forme de sécheresse et en même temps cette bonté que tous prêtent à Ravel."
S'améliorer en piano
Si Raphaël Personnaz a de solides bases en piano, il a dû s'améliorer pour les besoins du film, aux côtés du célèbre pianiste Alexandre Tharaud. Le comédien se souvient : "Lorsque Anne m’a présenté Alexandre, j’ai vu ce que c’était que de jouer du Ravel. Alexandre m’a mis entre les mains d’un professeur – Fréderic Vaysse-Knitter avec qui j’ai appris à jouer « La Pavane » et plusieurs autres morceaux. Ce qui fait, qu’à 80% dans le film, ce sont mes mains qui jouent."
"Il était important pour le film que je sois en mesure d’assurer ces 80%. Alexandre Tharaud prend le relais sur les 20% restants – il m’aurait fallu au moins dix ans de pratique pour atteindre son niveau et un miracle pour atteindre son génie."
Par ailleurs, Raphaël Personnaz a également dû apprendre à diriger un orchestre. Une nécessité pour les scènes où Ravel dirige La Valse et Le Bolero. Jean-Michel Ferran, son professeur, l’a d’abord fait répéter dans une petite salle du Conservatoire du 12ème arrondissement : "Est enfin venu le moment où je me suis retrouvé devant quatre-vingt-dix instrumentistes, tous chevronnés. « Tu verras, la sensation physique qu’est un orchestre jouant devant soi est incomparable », m’avait prévenu Jean-Michel Ferran. Il n’avait pas menti."
"En sortant des premières répétitions, alors que je venais de diriger des musiciens formidables qui m’avaient chaleureusement fait croire que j’étais un chef d’orchestre formidable, mes jambes tremblaient,je n’avais jamais ressenti un choc d’une telle puissance. J’ai adoré tourner ces scènes, j’aurais pu continuer de les jouer à l’infini", termine l'acteur.