Depuis sa Palme d’Or au Festival de Cannes, en mai 2023, son destin semblait écrit. Et ses Golden Globes et autres BAFTA Awards, en plus de ses nominations aux Oscars, ne faisaient que renforcer ce sentiment. Pourtant, Le Règne animal a bien failli empêcher le sien, en s’imposant dans les catégories techniques.
Mais Anatomie d’une chute s’est rattrapé pour devenir le grand vainqueur de la 49ème cérémonie des César. Au prestige et aux points, avec six récompenses (plus haut total de la soirée).
Et pas les moins importantes : Meilleur Film, Meilleure Actrice pour Sandra Hüller, Meilleur Acteur pour Swann Arlaud, Meilleur Scénario Original, Meilleur Montage et Meilleure Réalisation. Remise à Justine Triet, seconde lauréate de l’Histoire de cette catégorie… après Tonie Marshall en 2000.
Justine Triet dans l'Histoire
Un sacre historique (au même titre que le César des Meilleurs Costumes, remis pour la première fois à un film contemporain, Le Règne animal) dans une cérémonie sans grande surprise au final. Aussi bien sur scène, avec une absence d’incident comme de rires francs, comme au niveau du palmarès.
Je verrai toujours vos visages avait pourtant ouvert les festivités, avec le César de la Meilleure Actrice dans un Second Rôle remis à Adèle Exarchopoulos (l’une des quatre nommées pour long métrage dans la catégorie).
Et Chien de la casse a fait illusion avec ses deux prix (Meilleur Premier Film et Meilleure Révélation Masculine pour l’inévitable Raphaël Quenard, auteur du discours le plus drôle et enjoué). Mais les favoris ont fini par s’imposer.
Un cinéma audacieux récompensé
En récompensant Anatomie d’une chute et Le Règne animal (cinq prix dont Meilleure Musique, de la Meilleure Photographie et Meilleurs Effets Visuels), l’Académie a ainsi salué un cinéma qui ose.
Qui à l’audace de s’aventurer sur des sentiers (le film de procès d’un côté, le fantastique de l’autre) que l’on pensait réservés aux seuls anglo-saxons. Et qui ne sacrifie pas la forme au fond, et inversement.
Deux sacres logiques et attendus, dans une 49ème édition qui s’est déroulée alors que #MeToo fait trembler le cinéma français, quatre ans après le faux départ de la cérémonie de 2020. Et où le plus important allait au-delà des prix et de la qualité des œuvres récompensées.
L'émotion de Jamel, la classe de Nolan, la force de Judith
Dans l’émotion inattendue de Jamel Debbouze, venue remettre son César d’honneur à Agnès Jaoui, ou la classe de Christopher Nolan au moment de recevoir le sien et de déclarer sa flamme au public français.
Mais aussi, et surtout, dans ce discours incroyablement fort de Judith Godrèche sur les violences sexuelles et sexistes dans le milieu, prononcé avec une dignité incroyable.
"Ayons le courage de dire tout haut ce que nous savons tout bas"
Ou encore dans la manière dont les discours des lauréats évoquaient des problématiques sociétales actuelles, en écho aux propos des films pour lesquels ils étaient primés. "Pour la première fois de notre carrière, un tournage a été interrompu par les conséquences du changement climatique", alertait ainsi le quatuor qui s’est vu remettre le trophée du Meilleur Son pour Le Règne Animal. "Il est temps que les politiques sortent de leur déni de réalité. Que sommes-nous en train de laisser à nos enfants ?"
Raphaël Quenard, de son côté, lançait un message de soutien aux agriculteurs quand Mathilde Bédouet (Meilleur Court Métrage d’Animation pour Été 96) se voulait optimiste : "Je crois très fort à l’engagement de toute ma génération."
Il est temps que les politiques sortent de leur déni de réalité. Que sommes-nous en train de laisser à nos enfants ?
Une génération, celle de cette 49ème cérémonie, qui s’est notamment mobilisée pour la paix et le cesser-le-feu entre Israël et la Palestine : Swann Arlaud dans son discours lu par Sandra Hüller, car retenu sur un tournage en Norvège.
Mais aussi Arieh Worthalter (Meilleur Acteur pour Le Procès Goldman), Kaouther Ben Hania (Meilleur Film Documentaire pour Les Filles d’Olfa), Gala Hernandez Lopez (Meilleur Court Métrage Documentaire pour La Mécanique des fluides) ou Golshifteh Farahani, venue remettre le César du Meilleur Film Étranger.
Symboles et messages de paix
Ou sur les tenues d’Adèle Exarchopoulos, Audrey Diwan et Dali Benssalah, qui arboraient un badge demandant l’arrêt des combats à Gaza et la libération des otages. S’il n’est pas rare que la politique s’invite aux César, il a trop souvent été reproché à la cérémonie d’être déconnectée du monde extérieur pour ne pas saluer ces quelques prises de position.
En 2024, les César n’ont pas seulement récompensé quelques-uns des films les plus marquants de l’année écoulée. Ils ont aussi montré, à travers les films et certains discours, qu’ils étaient conscients et préoccupés par l’état du monde.
César 2024 : le palmarès complet
César d'honneur
- Agnès Jaoui
- Christopher Nolan
Meilleur film : Anatomie d'une chute de Justine Triet
Étaient également nommés :
- Chien de la casse de Jean-Baptiste Durand
- Je verrai toujours vos visages de Jeanne Herry
- Le procès Goldman de Cédric Kahn
- Le Règne animal de Thomas Cailley
Meilleure réalisation : Justine Triet - Anatomie d'une chute
Étaient également nommés :
- Catherine Breillat - L'Eté dernier
- Jeanne Herry - Je verrai toujours vos visages
- Cédric Kahn - Le procès Goldman
- Thomas Cailley - Le Règne animal
Meilleure actrice : Sandra Hüller - Anatomie d'une chute
Étaient également nommées :
- Marion Cotillard - Little Girl Blue
- Léa Drucker - L’Été dernier
- Virginie Efira - L'amour et les forêts
- Hafsia Herzi - Le Ravissement
Meilleur acteur : Arieh Worthalter - Le Procès Goldman
Étaient également nommés :
- Romain Duris - Le Règne animal
- Benjamin Lavernhe - L'Abbé Pierre - Une vie de combats
- Melvil Poupaud - L'Amour et les forêts
- Raphaël Quenard - Yannick
Meilleure actrice dans un second rôle : Adèle Exarchopoulos - Je verrai toujours vos visages
Étaient également nommées :
- Leïla Bekhti - Je verrai toujours vos visages
- Galatea Bellugi - Chien de la casse
- Elodie Bouchez - Je verrai toujours vos visages
- Miou-Miou - Je verrai toujours vos visages
Meilleur acteur dans un second rôle : Swann Arlaud - Anatomie d'une chute
Étaient également nommés :
- Anthony Bajon - Chien de la casse
- Arthur Harari - Le Procès Goldman
- Pio Marmaï - Yannick
- Antoine Reinartz - Anatomie d'une chute
Meilleur de la révélation féminine : Ella Rumpf - Le Théorème de Marguerite
Étaient également nommées :
- Céleste Brunnquell - La Fille de son père
- Kim Higelin - Le Consentement
- Suzanne Jouannet - La Voie Royale
- Rebecca Marder - De grandes espérances
Meilleur de la révélation masculine : Raphaël Quenard - Chien de la casse
Étaient également nommés :
- Julien Frison - Le Théorème de Marguerite
- Paul Kircher - Le Règne animal
- Samuel Kircher - L'Eté dernier
- Milo Machado Graner - Anatomie d'une chute
Meilleur premier film : Chien de la casse de Jean-Baptiste Durand
Étaient également nommés :
- Bernadette de Léa Domenach
- Le Ravissement d'Iris Kaltenbäck
- Vermines de Sébastien Vanicek
- Vincent doit mourir de Stephan Castang
Meilleur film documentaire : Les Filles d'Olfa de Kaouther Ben Hania
Étaient également nommés :
- Atlantic Bar de Fanny Molins
- Little Girl Blue de Mona Achache
- Notre corps de Claire Simon
- Sur l'Adamant de Nicolas Philibert
Meilleur film étranger : Simple comme Sylvain de Monia Chokri
Étaient également nommés :
- L'Enlèvement de Marco Bellochio
- Les Feuilles mortes d'Aki Kaurismaki
- Oppenheimer de Christopher Nolan
- Perfect Days de Wim Wenders
Meilleur film d'animation : Linda veut du poulet ! de Chiara Malta et Sébastien Laudenbach
Étaient également nommés :
- Interdit aux chiens et aux italiens d'Alain Ughetto
- Mars Express de Jérémie Périn
Meilleur scénario original : Justine Triet et Arthur Harari - Anatomie d'une chute
Étaient également nommés :
- Jean-Baptiste Durand - Chien de la casse
- Jeanne Herry - Je verrai toujours vos visages
- Nathalie Hertzberg et Cédric Kahn - Le Procès Goldman
- Thomas Cailley et Pauline Munier - Le Règne animal
Meilleur scénario adapté : Valérie Donzelli et Audrey Diwan - L'Amour et les forêts
Étaient également nommés :
- Vanessa Filho - Le Consentement
- Catherine Breillat - L'Eté dernier
Meilleur court métrage : L'attente d'Alice Douard
Étaient également nommés :
- Boléro de Nans Laborde-Jourdaa
- Rapide de Paul Rigoux
- Les Silencieux de Basile Vuillemin
Meilleur court métrage d'animation : Été 96 de Mathilde Bédouet
Étaient également nommés :
- Drôles d'oiseaux de Charlie Belin
- La Forêt de Mademoiselle Tang de Denis Do
Meilleur court métrage documentaire : La mécanique des fluides de Gala Hernandez Lopez
Étaient également nommés :
- L'acteur ou la surprenante vertu de l'incompréhension de Raphaël Quenard et Hugo David
- L'effet de mes rides par Claude Delafosse
Meilleurs costumes : Ariane Daurat - Le Règne animal
Étaient également nommés :
- Jürgen Doering - Jeanne du Barry
- Pascaline Chavanne - Mon Crime
- Tran Nuyen Khe - La Passion de Dodin Bouffant
- Thierry Delettre - Les Trois Mousquetaires (Partie 1 : D'Artagnan et Partie 2 : Milady)
Meilleurs décors : Stéphane Taillasson - Les Trois Mousquetaires (Partie 1 : D'Artagnan et Partie 2 : Milady)
Étaient également nommés :
- Emmanuelle Duplay - Anatomie d'une chute
- Angelo Zamparutti - Jeanne du Barry
- Toma Baquéni - La Passion de Dodin Bouffant
- Julia Lemaire - Le Règne animal
- Stéphane Taillasson - Les Trois Mousquetaires (Partie 1 : D'Artagnan et Partie 2 : Milady)
Meilleure musique originale : Andrea Laszlo de Simone - Le Règne animal
Étaient également nommés :
- Gabriel Yared - L’amour et les forêts
- Delphine Malausséna - Chien de la casse
- Vitalic - Disco Boy
- Guillaume Roussel - Les Trois Mousquetaires (Partie 1 : D'Artagnan et Partie 2 : Milady)
Meilleur son : Fabrice Osinski, Raphaël Sohier, Matthieu Fichet, Niels Barletta - Le Règne animal
Étaient également nommés :
- Julien Sicart, Fanny Martin, Jeanne Delpanco, Olivier Goinard - Anatomie d'une chute
- Rémi Daru, Guadalupe Cassius, Loïc Prian, Marc Doisne - Je verrai toujours vos visages
- Erwan Kerzanet, Sylvain Malbrant, Olivier Guillaume - Le Procès Goldman
- David Rit, Gwennolé Le Borgne, Olivier Touche, Cyril Holtz, Niels Barletta - Les Trois Mousquetaires (Partie 1 : D'Artagnan et Partie 2 : Milady)
Meilleur montage : Laurent Sénéchal - Anatomie d'une chute
Étaient également nommés :
- Francis Vesin - Je verrai toujours vos visages
- Valérie Loiseleux - Little Girl Blue
- Yann Dedet - Le Procès Goldman
- Lilian Corbeille - Le Règne animal
Meilleure photographie : David Cailley - Le Règne animal
Étaient également nommés :
- Simon Beaufils - Anatomie d'une chute
- Jonathan Ricquebourg - La Passion de Dodin Bouffant
- Patrick Ghiringhelli - Le Procès Goldman
- Nicolas Bolduc - Les Trois Mousquetaires (Partie 1 : D'Artagnan et Partie 2 : Milady)
Meilleurs effets visuels : Cyrille Bonjean, Bruno Sommier, Jean-Louis Autret - Le Règne animal
Étaient également nommés :
- Thomas Duval - Acide
- Lise Fischer, Cédric Fayolle - La Montagne
- Oilivier Cauwet - Les Trois Mousquetaires (Partie 1 : D'Artagnan et Partie 2 : Milady)
- Léo Ewald - Vermines