Après le très apprécié Trois jours et une vie, sorti en salles en septembre 2019, Nicolas Boukhrief est de retour derrière la caméra avec Comme un fils. Cette fois, le cinéaste à qui l'on doit notamment Le Convoyeur, s'attaque à un sujet de société très sensible.
Vincent Lindon incarne Jacques Romand, un professeur qui a perdu sa vocation. Témoin d’une agression dans une épicerie de quartier, il permet l’arrestation de l’un des voleurs : Victor, 14 ans.
Mais en découvrant le sort de ce gamin déscolarisé que l’on force à voler pour survivre, Jacques va tout mettre en œuvre pour venir en aide à ce jeune parti sur de si mauvais rails. Quitte à affronter ceux qui l’exploitent. En luttant contre les réticences mêmes de Victor pour tenter de lui offrir un avenir meilleur, Jacques va changer son propre destin.
Un thème délicat
Après s'être attaqué au terrorisme islamiste dans Made In France en 2015, Nicolas Boukhrief s'attelle cette fois au thème des mineurs isolés, avec en toile de fond la perte de sens chez les enseignants. Comme un fils est né de deux idées. Après l’assassinat de Samuel Paty, le 16 octobre 2020, le réalisateur voulait écrire un film sur l’importance de la figure du professeur et leur rendre hommage.
"Mais beaucoup de longs métrages ayant déjà été faits sur le sujet, et des très bons, je cherchais dans mon histoire à sortir de la structure professionnelle dans laquelle ce personnage évolue la plupart du temps pour parler de la figure d’un professeur en soi, hors de son contexte. Hors de l’école, du collège ou du lycée qui servent quasi systématiquement de cadres aux films sur l’éducation", indique le metteur en scène.
"La seconde idée est née en voyant sur scène plusieurs humoristes faire des piques d’un humour assez pauvre sur la communauté des Roms. Je me suis demandé pourquoi ces humoristes, immigrés de 2ème ou 3ème génération et qui évoquent régulièrement le racisme dont ils ont pu être les victimes, tapaient volontiers sur les Roms, tout comme du reste des comédies françaises grand public", ajoute le cinéaste.
Ces deux idées ont donné envie à Nicolas Boukhrief de renseigner sur cette communauté, "qui souffre sans doute aujourd’hui de la plus grande forme de racisme endémique puisque tout le monde se permet de la moquer méchamment, voire violemment, sans aucun complexe."
Vincent Lindon, un choix évident
Le rôle principal de Comme un fils a été offert à Vincent Lindon, notamment connu pour ses rôles de personnages à forte portée sociale comme La Loi du marché ou En guerre. Impliqué et impressionnant d'authenticité, il interprète avec justesse cet enseignant meurtri en perte totale de sens.
Alors qu'il réfléchissait à cette histoire, Nicolas Boukhrief a rencontré par hasard le comédien par l’intermédiaire du producteur Richard Grandpierre. Lorsque le cinéaste a fait lire le pitch de ce film à l'acteur, ce dernier a immédiatement manifesté son enthousiasme.
"Après avoir fait entrer Eric Besnard dans la boucle pour le scénario de Comme un fils, j’ai donc commencé à écrire pour Lindon. J’ai rédigé beaucoup de mes films en pensant uniquement aux acteurs qui ont fini par les interpréter, mais c’était la première fois que je soumettais un script aussi tôt à un comédien, quasiment au fil de son écriture", indique le réalisateur.
Nicolas Boukhrief a trouvé cela très enrichissant parce que ça permettait d’avancer en se rapprochant de plus en plus de ce qui correspond vraiment à l’acteur. "Vincent Lindon étant en outre, très investi, à chaque version du scénario il apportait un éclairage et des idées très diverses et intéressantes, même si évidemment il fallait faire le tri."
Pour le cinéaste, le métier de professeur engendre "un immense questionnement, de sérieux doutes, et on le comprend quand enseigner devient un motif d’assassinat ! Dans ce contexte, j’ai voulu brosser le portrait d’un prof en crise de foi. Jacques Romand est un personnage à la Simenon, totalement déprimé et en quête de sens."
Un jeune acteur bluffant
Pour trouver celui qui incarnerait Victor, Nicolas Boukhrief s'est rendu en Roumanie caster les élèves de plusieurs écoles d’art dramatique. Des adolescents qui avaient décidé de devenir acteur avant ce film et pour lequel ce serait alors une véritable chance.
Le metteur en scène a rencontré Stefan Virgil Stoica, qui parlait très bien anglais, mais pas le français. Plutôt que de le coacher pour lui apprendre tant bien que mal la langue et qu’il la joue avec un accent caricatural, Boukhrief a plutôt choisi une communication en anglais entre les deux personnages.
"Pour justifier son allure, j’ai aussi décidé de faire de ce personnage un métis, à moitié Rom et à moitié Roumain. Et c’est comme ça que j’ai appris qu’il y avait aussi un racisme envers les enfants métis chez les Roms, où ils peuvent être moqués ou ostracisés. Cela rajoutait à sa condition de victime et me permettait d’aller encore plus loin que mon sujet d’origine, de dépasser le film", souligne le cinéaste.
Par ailleurs, la famille de Victor est incarnée par de vrais Roms. Selon le réalisteur, les gens qui appartiennent à cette communauté sont "si singuliers et ont une telle attitude que créer de toutes pièces un groupe d’acteurs pour les imiter aurait été forcément kitsch, ou déplacé. En collaboration avec l’association La Pagaille, dont le fondateur Gaëtan Lecompte est devenu mon conseiller technique sur cette question, j’ai donc choisi de faire appel à une ou deux familles seulement."
Comme un fils est sorti dans les salles obscures le 6 mars.