Portrait d’une jeunesse figée
Haofeng (Liu Haoran), qui travaille dans la finance à Shanghai, se rend dans la petite ville de Yanji pour assister à un mariage. Dépressif et seul, le jeune homme ignore sciemment les appels téléphoniques de son centre thérapeutique.
Peu après son arrivée, Haofeng fait la connaissance de Nana (Zhou Dongyu, vue récemment dans le film Better Days), une guide touristique fascinante, et décide de rejoindre son groupe pour découvrir la région enneigée, située à la frontière coréenne. La jeune femme lui présente Xiao (Chuxiao Qu), son ami cuisinier désabusé, et tous trois nouent une solide amitié.
Telle la fonte des neiges, la rencontre imprévue de ces trois jeunes adultes dont la vie semblait jusqu’alors figée va réchauffer leur cœur et révéler leurs rêves, désirs et secrets prisonniers de la glace…
Une merveille de poésie signée d’un enfant de Cannes
C’est en habitué qu’Anthony Chen revenait cette année au Festival de Cannes pour présenter son dernier film, Un Hiver à Yanji. Félicité d’une mention spéciale en 2007 pour son court-métrage Ah Ma, récompensé du prix de la Caméra d’Or en 2013 pour Ilo Ilo, le réalisateur singapourien fait partie des “enfants de Cannes” : une génération de cinéastes talentueux révélés à l’international par le prestigieux festival.
Il signait donc cette année un retour triomphal et en grande pompe en terrain connu, malgré la délicatesse de son dernier long-métrage. À l’image d’un flocon de neige, Un Hiver à Yanji cristallise la beauté de l’hiver, la fragilité d’une existence humaine fugace faite de silences et de moments d’immobilité.
La glace, omniprésente, y est métaphore d’une jeune génération figée, comme enlisée dans la poudreuse et incapable d’apercevoir son avenir au delà du blizzard qui l’entrave. “Lorsque j’ai décidé de situer le film en hiver, raconte Anthony Chen, j’ai pensé qu’il fallait en faire un véritable film d’hiver, et donc nous rendre dans le nord, dans l’un des endroits les plus froids de Chine. [...] Un Hiver à Yanji est né d’un désir fort et d’une envie très spontanée, après deux années de confinement chez moi pendant la pandémie, où j’ai traversé une véritable crise existentielle. [...] Je voulais capturer l’esprit de la génération actuelle des jeunes Chinois dont j’avais beaucoup entendu parler. [...] C’était un acte de foi pour nous tous. Une aventure sauvage dans un hiver froid et glacial. Et pour moi, une lettre d’amour aux jeunes Chinois.”
Par sa chaleur humaine terriblement optimiste, qui donne envie de saisir ses personnages à bras le corps pour les étreindre avec tendresse, Un Hiver à Yanji parvient à faire rayonner le soleil du printemps dans l’obscurité du blizzard. Une merveille de poésie et d’humanité, à dès le 22 novembre, au cinéma.