Le sujet de ce film avait intéressé Steven Spielberg puis Robert De Niro, mais c'est finalement Marco Bellocchio qui s'en est emparé. Présenté en compétition au Festival de Cannes en mai dernier et sorti au cinéma ce mercredi, L'Enlèvement adapte une puissante et tragique histoire vraie, l'affaire Mortara.
En 1852, alors qu'il n'a qu'un an, le jeune Edgardo Mortara, né dans une famille juive, est baptisé en secret par une servante de la famille, qui craint pour sa vie car il est tombé gravement malade. Cinq ans plus tard, les soldats du pape Pie IX entrent chez les Mortara et arrachent l'enfant à la famille.
Suite à son kidnapping, le garçon est intégré à un séminaire créé pour convertir les Juifs et les Musulmans à la religion catholique. L'Enlèvement retrace son parcours, et le combat de ses parents pour le réintégrer dans leur famille et sa culture d'origine, dans une quête de justice se déroulant en parallèle d'événements politiques majeurs.
Marco Bellocchio résume l'action du pape de l'époque en ces termes, issus de sa note d'intention : "'Je t’enlève parce que Dieu l’a voulu ainsi. Et je ne peux pas te rendre à ta famille. Tu es baptisé et, de ce fait, tu es catholique pour l’éternité.' C’est le 'non possumus' du pape Pie IX. Il serait donc juste, pour garantir son salut dans l’au-delà, de briser la vie d’un individu, en l’occurrence d’un enfant n’ayant pas, du fait de son jeune âge, la force de résister ni de se rebeller."
Le réalisateur de Vincere rappelle également qu'au moment où il organise ces enlèvements et conversions forcées, le pape Pie IX n'a paradoxalement plus la puissance qu'il a pu avoir par le passé :
L’enlèvement du petit Edgardo symbolise (...) la volonté désespérée, ultraviolente, d’un pouvoir déclinant qui essaie de résister à son propre effondrement, en contrattaquant. Les régimes totalitaires ont souvent de tels soubresauts qui leur donnent, pour un temps seulement, l’illusion de la victoire (un bref spasme avant la mort).
La force du cinéaste est de parvenir à faire de cette histoire tragique un sublime opéra - un thème qui lui est cher - alors même que beaucoup des scènes se passent dans l'univers clos et sombre de l'Eglise de l'époque. Malgré l'ampleur de son récit, Bellocchio s'offre des moments d'intimité très forts, et fond avec une facilité déconcertante cette histoire humaine au milieu de la grande Histoire.
L'Enlèvement est sorti ce mercredi dans les salles.