Chez Marvel, l'ambiance n'est pas exactement à la fête depuis quelques temps. Côté grands écrans déjà, avec la lassitude des productions super-héroïques. Dans le domaine des jeux vidéo, sa division fait grise mine, avec la très grosse contre-performance du jeu Marvel's Avengers de Crystal Dynamics sorti en 2020, pourtant très attendu et dont le support a été débranché fin septembre dernier.
L'échec tout à fait injustifié de Guardians of The Galaxy sorti en octobre 2021, qui transpirait pourtant un amour inconditionnel pour son matériau d'origine. L'excellent Marvel's Midnight Suns, jeu de rôle tactique développé par Firaxis Games sorti en juillet 2022, a été un flop. Et on ne parle pas des différentes déclinaisons de la licence sur les jeux mobiles, dont plusieurs ont, eux-aussi, été débranchés...
Sorti en septembre 2018 et développé par le très talentueux studio Insomniac Games, Marvel's Spider-Man, exclusivité pour la console PS4 de Sony, fut pourtant un colossal carton de vente : en août 2019, soit un peu moins d'un an après sa sortie, le jeu s'était écoulé à plus de 13,2 millions d'exemplaires.
Insomniac Games
Un peu plus de deux ans plus tard, fer de lance de sa nouvelle console PS5, Spider-Man : Miles Morales, pensé comme un Stand Alone et Spin Off, permettait d'incarner pour la première fois ce héros des comics, rendu très populaire par le formidable long-métrage d'animation Spider-Man : New Generation. Graphiquement superbe, rythmé et punchy, offrant des personnages attachants, baigné d'une BO à l'unisson, Spider-Man : Miles Morales a été un gros succès lui aussi, tout à fait mérité.
Racheté par Sony Playstation pour un peu plus de 200 millions de dollars en 2019, c'est peu dire que le studio Insomniac est devenu en quelques années une véritable martingale pour la firme, un pilier incontournable, ayant des franchises ultra puissantes dans sa besace, comme Ratchet & Clank, dont le dernier, Rift Apart (2021) était formidable et techniquement très impressionnant.
Un savoir-faire qui vient justement effectuer une nouvelle et assez étourdissante démonstration de force avec Marvel's Spider-Man 2. Contrairement à ce que laisserait penser son titre, il s'agit en réalité du troisième volet de la saga initiée en 2018.
En (re)voici la bande-annonce...
Deux Spidey pour le prix d'un
Se déroulant peu de temps après la conclusion du jeu Spider-Man : Miles Morales (dont vous pouvez avoir un chouette récapitulatif des événements via une vidéo "previously on..." accessible dès le menu de départ), Marvel's Spider-Man 2 offre donc deux Spider-Man pour le prix d'un; unis pour le meilleur et souvent pour le pire au cours d'un récit déployant ses atours avec maestria sur plus d'une trentaine d'heures de jeu.
Pour les deux personnages, l'heure et à la maturité. Miles essaie de trouver le temps d'écrire son essai d'entrée à l'université, mais il continue de tergiverser et de se concentrer sur son boulot de Spider-Man à la place. Pendant ce temps, Peter est sous l'eau avec les factures à payer pour la maison de tante May, mais il se sent logiquement incapable de la revendre. MJ veut aider Peter avec l'hypothèque, mais son travail est en jeu maintenant que J. Jonah Jameson est de retour au Daily Bugle et cherche à faire le ménage...
Les doutes et introspections personnelles vont logiquement être durement éprouvés au fil du récit, notamment à la faveur de l'entrée en scène de l'antagoniste principal, particulièrement retors et surtout parfaitement impitoyable : Kraven le chasseur.
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L'un des super-vilains les plus iconiques de l'univers Marvel, nourri d'une volonté farouche d'ajouter Spider-Man à son tableau de chasse. On notera d'ailleurs la douce ironie que le jeu coupe gentiment l'herbe sous les pieds du futur film sur le personnage que prépare dans son coin J.C. Chandor, censé sortir en août 2024.
On espère en tout cas qu'il sera aussi charismatique que celui du jeu, ayant toujours un coup d'avance ou presque face à ses meilleurs ennemis. Les images du jeu avaient aussi dévoilé le symbiote et la présence de Venom. On se gardera évidemment de dévoiler quand et comment il arrive dans l'intrigue sous peine de vous gâcher le plaisir de la découverte. Tout au plus peut-on dire qu'il est amené de manière habile, donnant une formidable nouvelle impulsion dans l'histoire.
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Régulièrement boosté par des combats intenses et très spectaculairement mis en scène avec des cadrages parfois ébouriffants à la clé, à l'image de l'affrontement ouvrant le jeu face à l'homme sable ou celui du Lézard, le récit sait aussi ménager ses effets en offrant des séquences vraiment en apesanteur.
Comme cette quête formidable où l'on dirige brièvement Hailey, l'amie sourde et muette de Miles, communiquant en langage des signes. Plongé dans son monde silencieux, sans aucune musique, le joueur appréhende les émotions d'Hailey et celles de ses interlocuteurs par le prisme d'emojis / pictogrammes censés les représenter. Plus facile à vivre manette en main qu'à décrire, l'expérience, bien que courte, est vraiment intéressante. Et même touchante.
Black is Beautiful
Si Insomniac se garde bien d'avoir un agenda politique plus ou moins caché, le studio reste dans le sillage du volet précédent, toujours avec ce souci d'apporter une vraie touche d'inclusivité et de célébrations des minorités ethniques qui ont largement constitué au fil des décennies le creuset de l'American Way of Life, et plus particulièrement celui de Big Apple.
Comme le révèle par exemple cette excellente mission réservée à Miles, où l'on doit retrouver une collection de très précieux objets de musique iconiques, volés et destinés à une exposition organisée au coeur de son quartier, à Harlem. Son nom ? "Community Pride, Worldwide Impact".
Manière fine et intelligente de célébrer l'apport très important -essentiel même- des afro-américains dans la culture du pays, puisqu'il y est question de légendes telles que le musicien saxophoniste Charlie Parker, le romancier Claude McKay, la pianiste et chanteuse Hazel Scott, ou encore Langston Hughes.
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Des à-côtés pourrait-on dire, mais qui s'emboîtent en réalité parfaitement dans les interstices d'une trame principale solide et rondement menée. Loin d'être un gavage en bonne et due forme, comme un remplissage forcené du jeu, la grande majorité des quêtes secondaires visent au contraire à donner toujours un peu plus d'épaisseur et de chair à ses personnages principaux. Et ca fait mouche.
En fait, par son sens de la dramaturgie, les enjeux déployés, la réflexion et le questionnement de ses héros, son sens du cadrage et de la mise en scène, il nous est apparu plus d'une fois que ce Marvel's Spider-Man 2 tenait davantage d'une filiation avec la saga cinématographique impulsée par Sam Raimi que les volets ultérieurs qui ont suivi. Et ce n'est pas la moindre des qualités du jeu.
Une Big Apple qui caresse la rétine
Car il y a bien évidemment l'écrin, absolument superbe. Dans une ville de New York découpée en 14 quartiers, faisant deux fois la taille des précédents jeux (ajoutant cette fois-ci le Queens et Brooklyn), le bond technologique est vraiment spectaculaire. Surtout avec le jeu de 2018, y compris sa version remasterisée sortie sur PS5. L'écart est moins important avec Spider-Man : Miles Morales, plus récent, mais il existe.
Les rues sont plus denses, le souci du détail est encore plus poussé; l'impression d'avoir une ville plus "organique" et grouillante de vie, parée de nombreux effets de gestion de la lumière et d'effets météo, en s'appuyant sur la technologie dite du Ray Tracing.
C'est toujours un vrai bonheur de parcourir la ville avec les personnages, d'une souplesse absolument grisante. Un plaisir sensiblement réhaussé à ce sujet par une petite nouveauté, le wing suit, qui permet comme son nom l'indique de planer entre les bâtiments de la ville pour aller encore plus vite.
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En terme de gameplay, Insomniac ne réinvente certes pas la roue; on reste en terrain déjà connu, malgré quelques nouveautés. Trois arbres de talents -un pour chacun des personnages et un tronc commun-, des gadgets à déverrouiller progressivement, planques d'ennemis à nettoyer, braquages à arrêter... Certaines missions sont propres à chacun des deux Spidey, tandis que sur d'autres, il est possible de changer de personnage. Un changement qui affecte uniquement la manière de jouer, étant donné que chaque Spidey possède ses propres caractéristiques et coups spéciaux.
Epilogue...
Marvel's Spider-Man 2, le meilleur jeu de super-héros ? Sans doute pas. Mais il se hisse sans aucun problème dans le très haut du panier. En trois jeux, le studio a su jeter les fondations d'une formidable saga, capable de se suffire à elle-même. On doute quand même qu'il s'arrête en si bon chemin sans chercher à davantage approfondir la mythologie autour du personnage. Sans compter qu'il a aussi en préparation, faut-il le rappeler, un jeu basé sur Wolverine.
"Be Greater" - "Dépassez vos limites" balance la catchline apposée sur l'affiche du jeu, à l'adresse des joueurs. Chez Insomniac, on semble avoir érigé cette invitation au rang de mantra. On ne pouvait pas espérer mieux.
