De quoi ça parle ? Paris, 1985. Vanessa a treize ans lorsqu'elle rencontre Gabriel Matzneff, écrivain quinquagénaire de renom. La jeune adolescente devient l'amante et la muse de cet homme célébré par le monde culturel et politique. Se perdant dans la relation, elle subit de plus en plus violemment l’emprise destructrice que ce prédateur exerce sur elle.
Adapté d'un récit autobiographique
Le Consentement est adapté du livre du même nom de Vanessa Springora, publié pour la première fois en janvier 2020. Ce récit autobiographique, qui raconte l'emprise et les abus sexuels dont elle a été victime par le romancier Gabriel Matzneff depuis leur rencontre à ses 13 ans, fait grand bruit lors de sa sortie.
Surtout, ce témoignage glaçant révèle les pratiques pédophiles d'un écrivain très respecté dans la profession, qu'il réalise non seulement en toute impunité, mais aussi en les revendiquant (par exemple dans son livre Les Moins de seize ans, publié en 1974, ou dans l'émission Apostrophes en 1990, présentée par Bernard Pivot).
Matzneff est dans la foulée visé par une enquête pour viol sur mineur de moins de quinze ans. En 2021, l’ancienne journaliste Francesca Gee raconte avoir elle aussi eu une relation avec lui quand elle avait 15 ans. En 2022, il est entendu par des policiers de l'Office central de répression des violences aux personnes (OCRVP).
Mais l'affaire Matzneff ne bénéficie d'aucune suite judiciaire parce que les faits dénoncés sont prescrits. A la suite des accusations de Vanessa Springora, les éditeurs de l'écrivain de 87 ans renoncent à commercialiser ses œuvres. Selon Franceinfo, l’OCRVP auditionne actuellement de "potentielles victimes et témoins"...
Préparation pour Jean-Paul Rouve
Pour jouer Gabriel Matzneff, Jean-Paul Rouve a perdu dix kilos et a fait beaucoup de natation : "Il me fallait comprendre sa routine. La natation est un sport qui permet de penser. Je me demandais ainsi ce qui occupait son esprit lorsqu’il faisait ses longueurs. J’observais où m’embarquait le mien lorsque je nageais. J’ai pris soin de moi, ce que je ne fais pas d’ordinaire à ce point : comme lui, je me suis fait faire des manucures, j’ai fait des UV pour avoir son teint, j’ai mis de la crème pour le visage matin et soir pendant toute la préparation, ce qui m’amenait à me regarder dans le miroir, ce qu’il faisait sans doute aussi."
"Tout cela m’a mis en condition pendant mes trois mois de préparation. J’ai aussi beaucoup travaillé sur le scénario afin de laisser le personnage venir à moi. Mais la difficulté avec Matzneff, c’est qu’à la différence d’autres personnages, avec lui je ne trouvais aucun point d’appui, aucune zone commune avec moi. Je ne dis pas ça d’un point de vue moral ; je parle de sa manière d’être physiquement, de s’exprimer, de penser ; dans son rapport à la vie, à la création, je ne voyais aucune branche à laquelle me raccrocher. Ce rôle impliquait donc de ma part une construction totale, un travail inédit pour moi jusqu’alors."
"Matzneff est assez précieux. Il se tient très droit, ce qu’accentuent ses vestes militaires ou de safari. Je me suis dit qu’il avait conscience d’avoir de belles mains et qu’il en jouait pour séduire son auditoire. Je me suis donc mis de la crème pour les mains, j’ai travaillé une gestuelle à la manière d’un magicien."
Naissance du projet
Après Gueule d'ange, les producteurs Carole Lambert et Marc Missonnier et la réalisatrice Vanessa Filho souhaitaient continuer à travailler ensemble. C'est Marc qui a appelé cette dernière en lui disant qu’il fallait qu’ils se voient pour parler du livre de Vanessa Springora : "Ils l’avaient lu et ont eu l’instinct immédiat qu’il résonnerait en moi. Ils en étaient persuadés et ne se sont pas trompés, et je leur en serai toujours infiniment reconnaissante... Parce que le soir même je le lisais et l’évidence m’a frappée. Ce film est alors devenu notre priorité. Et depuis trois ans, ils le portent avec courage et détermination."
"Ma première lecture a été un choc émotionnel et intime, une véritable rencontre. Lorsque j’ai achevé la lecture de ce livre, j’ai ressenti un très fort sentiment d’impuissance et de colère, et tout ce que je ne pouvais supporter dans cette histoire a fait naître des émotions puissantes. Ce sont ces émotions qui m’ont poussée à agir. Et agir, pour moi, c’était faire un film. Le film m’est apparu, au fil de la lecture, fait de sensations, d’émotions et de regards... révélant l’intime dans le langage des corps. Il s’est incarné immédiatement. Aux images générées par le récit de l’autrice sont venus s’associer des cauchemars."
"Ils se sont imposés à mon imagination, et ne m’ont pas quittée. Si des images me hantent ainsi, elles créent en moi une nécessité d’être mises en scène."
Qui pour jouer Vanessa ?
Pour le rôle de Vanessa, Vanessa Filho voulait trouver un visage nouveau au cinéma et tenait à ce que cette actrice ait plus de 16 ans : "Il était évidemment hors de question de mettre en danger une adolescente de l’âge de Vanessa dans le récit adapté, de créer de la confusion aussi, de reproduire le traumatisme sur une jeune actrice. Kim Higelin avait 20 ans au moment du casting, ce qui m’a permis d’avoir avec elle un vrai dialogue sur le sujet."
"Aux essais, j’ai tout de suite su qu’elle était le rôle. Elle était unique, d’une profondeur absolue, extrêmement sensible et brillante, et puis... Cette voix... Une voix de cinéma. Elle a lu le livre et le scénario, et a instantanément compris toutes les étapes psychologiques et complexes par lesquelles passait son personnage. Elle m’a impressionnée du début à la fin du projet..."
Une adaptation fidèle
Le travail d'écriture du scénario s'est déroulé de manière extrêmement libre. Mais être fidèle au récit de Vanessa Springora était un vrai choix de la part de Vanessa Filho. La cinéaste se rappelle : "J’avais été tellement choquée par le viol public que Vanessa avait subi, et par le fait qu’elle était devenue malgré elle un objet non consentant de littérature, qu’il était pour moi hors de question de la transformer une nouvelle fois en personnage de fiction. C’est donc son histoire que j’ai déroulée à l’écran, et pas une autre."
"L’adaptation ne porte pas sur un roman mais sur un « récit » dont l’autrice se bat justement pour ne pas être un personnage fictif. J’ai, bien sûr, comme dans toute adaptation d’un livre au cinéma, fictionné des choses, développé, ajouté des éléments personnels, de mes obsessions intimes, de mes propres blessures aussi... Mais j’ai veillé à ne jamais m’écarter de la vérité des personnages. Vanessa a lu plusieurs versions du script. Nous avons eu des échanges intenses, qui ont nourri et fait grandir le scénario."