Les blockbusters sont-ils condamnés au studio et autres fonds verts pour exister ? Du haut de ses 80 millions de dollars de budget, The Creator n'entre peut-être pas dans cette catégorie mais la question n'est pas là.
Alors que les effets spéciaux du Marvel Cinematic Universe sont de plus en plus pointés du doigt, et que le décor naturel semble devenir une denrée rare, le film de science-fiction de Gareth Edwards fait souffler un petit vent de fraîcheur.
Comme Dune avant lui, ou encore The Batman (contraint de se rabattre sur un tournage en studio pour cause de Covid alors que les prises de vues devaient davantage avoir lieu en extérieur) et les films de Christopher Nolan, The Creator vise le réalisme. Autant que faire se peut dans un long métrage qui se déroule dans un futur post-apocalyptique et met les humains aux prises avec des machines.
Et cela passe notamment par une incrustation de trucages numériques dans des décors naturels, comme le réalisateur et scénariste nous l'a expliqué lors de son passage à Paris : "En général, sur un gros film de science-fiction hollywoodien, tu as de la chance si tu sors du studio une poignée de fois", nous dit-il.
"Quand nous avons fait Rogue One, nous sommes allés en Jordanie, aux Maldives et quelques autres lieux. Avec beaucoup de succès. J'ai alors dit que je voulais faire un film entier ainsi. Et rien que sur la seule Thaïlande, ici, nous sommes allés dans 80 lieux. Nous étions chaque jour dans un nouveau lieu, nous ne sommes pas revenus en arrière."
Nous n'avons eu qu'à aller dans le monde et tout était là. C'est très riche et beau, avec beaucoup de détails qu'il n'y a qu'à filmer.
"Et cela donne à The Creator des allures de riche voyage en termes d'imagerie et de lieux. Je voulais vraiment qu'il ait cet aspect. Nous recevons beaucoup de compliments sur le monde que nous avons bâti sur le plan de la science-fiction, mais c'est un peu de la triche : nous n'avons eu qu'à aller dans le monde et tout était là. C'est très riche et beau, avec beaucoup de détails qu'il n'y a qu'à filmer."
"Ensuite, vous ne changez que 20% [de ce que vous avez filmé]. Avec Star Wars, George Lucas a découvert que si on change trop de choses, ça devient Flash Gordon. Mais 20-30% permet que cela paraisse réel. Et j'aime ce mélange."
"Si vous allez au Viêtnam ou en Thaïlande, vous allez voir passer, côte-à-côte, une voiture électrique et un scooter datant des années 70. J'adorais l'idée de voir des robots sur ces vieux scooters, et nous avons cherché à créer cet étrange contraste dans le film."
Un contraste qui s'accorde avec son discours autour de l'intelligence artificielle, où le principal danger n'est pas tant la technologie que ce que les humains peuvent en faire. A l'heure où l'IA continue de faire frémir Hollywood, malgré la fin de la grève des scénaristes, The Creator s'inscrit dans l'air du temps. En regardant vers l'avenir et prenant le soin d'être le plus réaliste possible.
Propos de Gareth Edwards recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 21 septembre 2023