De quoi ça parle ? Anne, avocate renommée, vit en harmonie avec son mari Pierre et leurs filles de 6 et 7 ans. Un jour, Théo, 17 ans, fils de Pierre d’un précédent mariage, emménage chez eux. Peu de temps après, il annonce à son père qu’il a une liaison avec Anne. Elle nie.
Pourquoi Léa Drucker ?
C'est le producteur Saïd Ben Saïd qui a proposé à Catherine Breillat de choisir Léa Drucker pour jouer Anne. La réalisatrice confie : "A priori, elle n’est pas une actrice pour moi... Mais quand je l’ai rencontrée, je l’ai trouvée formidable. Surtout, je l’ai vue comme moi, je la filmerai, non comme elle avait déjà été filmée."
"Tout d’un coup, elle est devenue mon actrice, là chez moi, en la regardant tout simplement dans les yeux me parler du scénario, de son désir de faire le film, de la confiance qu’elle me faisait, alors que j’ai quand même une réputation effarante, qui n’est pas moi, mais que j’ai. Léa a un côté à la fois bergmanien et hitchcockien."
A noter que, lorsque le projet en était à ses débuts, Valeria Bruni Tedeschi a été évoquée pour tenir le rôle d'Anne.
Naissance du projet
L’Été dernier est le remake du film danois Queen of hearts. Le projet a été initié par Saïd Ben Saïd qui a envoyé un mot à Catherine Breillat en lui rappelant qu'ils s'étaient rencontrés au festival de Belfort, qu’il venait de racheter les droits d'un remake d’un film danois et qu'il pensait que la cinéaste ferait mieux que l’original ! Cette dernière se rappelle : "À ce moment-là, j’étais au fond du trou. Je n’avais plus envie de faire du cinéma."
"Je pense que j’étais aussi en dépression larvée, je suis quand même en très mauvais état physique. Être hémiplégique, ce n’est pas simple. J’ai regardé le film et j’ai été stupéfiée par ce mensonge qui y est raconté. Proférer un si gros mensonge et arriver à le faire croire à l’autre, il faut quand même être dans une forme de vérité pour y arriver ! Je trouvais que c’était un dispositif scénaristique absolument génial, digne de Shakespeare."
Un jeune talent à suivre
A l’origine, Catherine Breillat a proposé le personnage de Théo à Paul Kircher (la révélation du Lycéen mis en scène par Christophe Honoré). Mais le tournage du film, qui devait avoir lieu en 2021, a été reporté à l'année suivante pour des raisons de financements. Paul n'étant plus disponible, c'est lui qui a suggéré à la réalisatrice et au producteur Saïd Ben Saïd de choisir son frère, Samuel Kircher.
Catherine Breillat est alors tombée sous son charme : "La grâce absolue. Samuel est un être absolument gracieux, lumineux et en même temps totalement mystérieux, opaque. Il est abandonné à la caméra, il ne la craint pas, Il se laisse dévorer par elle sans qu’un muscle ne tressaille. Samuel a une manière de sourire incroyable. Les hommes qui sourient, il n’y en a pas beaucoup à l’écran."
Pas un film sulfureux !
Si, sur le papier, il était à l'origine question d'une histoire d'adultère avec un beau-fils beaucoup trop jeune, ce n’est pas vraiment cela que Catherine Breillat voulait raconter : "Je n’aime pas le cinéma réaliste, quand on le cantonne à dire des choses convenues, étriquées, moralistes. L’art moraliste enlaidit et rétrécit les gens."
"Mais l’Art est moral car il les embellit, porte un regard sur eux qui les épanouit, les transfigure. Contrairement à ce qu’on croit, je suis hyper romantique ! Je suis obsédée par la pureté, c’est pour ça que je ne supporte pas l’adjectif « sulfureux » à mon égard. Ni que l’on dise que je fais du cinéma érotique. Je hais l’érotisme !"
Dans une bulle
Catherine Breillat a fait le choix de filmer Anne et Théo de très près, comme dans une bulle dont l’environnement social a été expulsé. Elle justifie ce choix : "Quand deux personnes se boivent des yeux, et boivent les paroles l’un de l’autre, ils sont seuls au monde. Il peut y avoir un vacarme assourdissant, ils n’entendent plus rien. J’avais montré Ivan le Terrible à Samuel, avec ces regards qui « coulissent »."
"Dans le film, je fais quasiment loucher Samuel tellement il regarde Léa du coin de l’œil. J’ai fini par m’apercevoir que j’étais une cinéaste des émotions. Et les émotions, ce sont les visages nus, dont je traque le moindre regard qui se dérobe, qui brille… Je suis un voyeur et un voyant. J’aime voir l’âme humaine dans ses moindres tressaillements, je trouve son ambiguïté d’une beauté absolue."