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    L'Été dernier de Catherine Breillat : cette romance va vous déranger mais il ne faut pas la rater au cinéma !
    Laetitia Ratane
    Laetitia Ratane
    -Rédactrice en chef adjointe
    Très tôt fascinée par le grand écran et très vite accro au petit, Laetitia grandit aux côtés des héros ciné-séries culte des années 80-90. Elle nourrit son goût des autres au contact des génies du drame psychologique, des pépites du cinéma français et... des journalistes passionnés qu’elle encadre.

    Après avoir remué le Festival de Cannes en mai, L'Été dernier débarque dans vos salles. Pourquoi faut-il voir cette romance transgressive de Catherine Breillat, centrée sur la liaison entre un adolescent et sa belle-mère ? On vous répond !

    A partir de ce mercredi 13 septembre, et après presque 10 ans d'absence, Catherine Breillat s’invite dans vos salles de cinéma, avec un film dont le titre sonne toujours d’actualité, si l’on en croit les thermomètres extérieurs affolés.

    Il faut dire que de l'intérieur, et à sa manière, la cinéaste se chargera de faire monter la température, aux commandes de son long métrage au sujet plus que sensible.

    Attention cette œuvre qui met en scène une emprise amoureuse dans un cadre familial entre deux protagonistes d’âges différents peut troubler le jeune public.

    L’Eté dernier suit en effet l’histoire d’Anne, une avocate renommée d’une quarantaine d’années, qui vit en harmonie avec son mari Pierre et leurs deux petites filles âgées de 6 et 7 ans. Un jour, Théo, 17 ans, fils de Pierre d’un précédent mariage, emménage chez eux. Le début d’une relation interdite entre le jeune éphèbe et sa séduisante belle-mère…

    L'Été dernier
    L'Été dernier
    Sortie : 13 septembre 2023 | 1h 44min
    De Catherine Breillat
    Avec Léa Drucker, Olivier Rabourdin, Samuel Kircher
    Presse
    3,6
    Spectateurs
    3,2
    louer ou acheter

    Un désir dérangeant filmé autrement

    En 1988, dans 36 Fillette, elle mettait déjà en lumière la relation estivale dérangeante entre un quarantenaire et une jeune fille de 14 ans. En 2023, c’est en adaptant le film danois Queen of Hearts que la sulfureuse Breillat réaborde ce sujet problématique sous l’impulsion, entre autres, du producteur Saïd Ben Saïd, déjà à l’origine de l’autre sulfureux Elle de Paul Verhoeven.

    Même jeu dangereux, même crudité, même anti-romantisme qu’il y a 35 ans dans la manière de raconter la relation incestueuse. Mais entre temps le monde a changé, la représentation de la sexualité et de ses possibles violences a été profondément questionnée et Breillat le sait.

    Aussi dans L’Été dernier, c’est le point de vue féminin adulte de la relation qu'elle choisit dans un premier temps d'explorer, de scruter même, et de filmer selon le regard de son héroïne trouble (on vous parlait du concept de "female gaze" en détails ici ), dans le but d’aider à déconstruire encore les préjugés filmiques classiques en la matière. Et de nous interpeller, de nous engager pleinement, différemment.

    Dans la première scène d'amour notamment, la caméra de Breillat est comme collée au visage de son héroïne (impressionnante Léa Drucker dont on vous reparle plus bas), nous offrant ce qu'elle voit et ce qu'elle ressent, en tant que corps-sujet de l'acte d'amour et non plus objet de désir.

    L’objet (et la victime) du désir, ici, c’est plutôt Lui, cet adolescent troublant, juvénile mais séduisant. Dans la peau de ce jeune garçon tantôt tentateur, tantôt innocent, Samuel Kircher est étonnant.

    Parce que l'adolescence reste "sa passion", Catherine Breillat prend le temps de le regarder de très près. A lui, on pardonne vite le petit jeu dangereux auquel il se prête un temps, car Rimbaud nous avait prévenus : "on n’est pas sérieux quand on a 17 ans."

    Lorsqu'à Cannes, les journalistes l’interrogeaient en conférence de presse sur ce rôle difficile à incarner, il confiait avoir été "touché par ce personnage qui n’a eu l’attention de personne jusqu’ici. Tout à coup il y a une main qui lui est donnée, pour la première fois, il est considéré comme un adulte. Il compte pour quelqu'un. Et c'est bouleversant pour lui. La main se retire deux jours après et cela engendre une vraie violence pour lui."

    Une romance trouble et implacable

    La violence dans la relation, on y vient progressivement. Un comble quand on se rappelle que l’héroïne du film est une mère de famille avocate spécialisée dans les violences sexuelles faites aux mineures (ironie et provocation bonjour).

    Héroïne d'emblée frontale et déstabilisante lorsqu’il s’agit de demander à l’adolescente qu’elle auditionne au début du film avec "combien de garçons (elle) a couché". "Deux, trois ? Je dois savoir".

    Cette "femme énigmatique, moins prédatrice que dans le film original, avec un éventail plus large" n'est pourtant, selon Breillat, "ni manipulatrice ni prédatrice, n'anticipant pas ce qu'il va se passer".

    Dépassée par son désir, elle va en effet jusqu'à mettre en danger (ou inconsciemment saboter ?) une vie de famille et une carrière parfaitement rangées. La fameuse "tentation irrépressible de la chute..." qu'elle finira par stopper fermement, mais dans un second temps.

    Et oui, après le coup de foudre, l'orage. Passés quelques coïts aussi dérangeants que risqués, et quelques moments doux et même enchantés, la rupture d'un coup nécessaire est brutale, implacable même.

    Dans un revirement de situation terrifiant, le rapport bascule. Sur le visage défiguré de l’héroïne, que Breillat suit de très près toujours comme pour nous y identifier, le déni s’installe. S’ensuit une scène de mensonge d’anthologie jouée par l’infidèle à son mari (imperturbable Olivier Rabourdin). Une scène qui vous vrillera l’estomac...

    Pyramide Films

    Une Léa Drucker transgressive et transfigurée

    Protectrice ou dangereuse, passionnée ou ultra rationnelle : dans la peau de cette quadragénaire à la fois responsable et perdant peu à peu pied, Léa Drucker (on y vient enfin) est fascinante autant que glaçante.

    Cette femme tantôt sensuelle, tantôt cruelle, la comédienne éclectique (souvenez-vous d'elle dans un tout autre emploi) l'a abordée avec une nécessaire appréhension :

    "J’ai utilisé beaucoup de choses que je pouvais ressentir comme appréhension à faire un personnage comme ça, aller vers une image que rationnellement je ne comprenais pas forcément.

    C’était un plongeon, j'ai tenté de rester en tant que comédienne comme une feuille qui flotte sur l'eau et recevoir des informations", avait-elle confié à la presse cannoise rassemblée.

    Il fallait accepter de découvrir des choses au moment du tournage. J’ai cherché la clef pour m’identifier à elle, sans la juger. Je savais qu’en travaillant avec Catherine, j’allais être inspirée par son regard sur le monde qui est singulier. (...)

    Cette femme sensuelle très sexuée, c'est aussi quelque chose que je n'avais pas fait tellement jusqu'ici. J’ai moi-même transgressé quelque chose de moi pour aller vers cette femme".

    Une transgression que la réalisatrice a su capter et révéler, se laissant fasciner et inspirer au moment du tournage par ce que lui offraient ses comédiens. Yeux bleus durs cernés de rides éloquentes jusqu'à ce qu'ils se ferment en plein orgasme d'un côté. Traits de jeune ange abîmé par le rejet et le mensonge de l'autre.

    "J’ai besoin du cadre pour découvrir mes acteurs. Ils m'inspirent sur le moment. Ils entrent dans mes rêves et mes fantasmes au moment où je les vois au cadre (...), lorsque la caméra les dévore. Le film se crée alors au moment où il se crée. "

    Un film incisif, à la mise en scène frontale et audacieuse, profondément libre. Et au final très très perturbant. Il faut vous y préparer. L’Été dernier est en salles et à découvrir absolument.

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