Dissection d’un couple
Sandra (Sandra Hüller), son mari Samuel (Samuel Théis) et leur fils malvoyant Daniel (Milo Machado Graner) vivent ensemble dans les montagnes françaises. Loin de tout, ils reçoivent peu de monde et n’ont pas de voisins.
Un jour, Samuel est retrouvé mort au pied de leur chalet. Accident ? Suicide ? Meurtre ? Un procès est ouvert, dont Sandra est la principale accusée. Aux côtés du jeune Daniel, le spectateur assiste aux multiples audiences, à la dissection d’un couple et à la révélation de ses nombreux secrets.
Coupable… ou victime ?
Romancière de talent, d’origine germanique, le personnage de Sandra est au centre des regards, du procès et du film dans son entièreté. Brillante mais peu assurée dans ce monde étranger où même la langue lui semble hostile, elle tente tant bien que mal de se défendre. Une vulnérabilité que l’actrice Sandra Hüller est parfaitement parvenue à retranscrire par ses silences, ses hésitations et ses coups d'œil anxieux.
Mais c’est véritablement dans l’ambivalence de son personnage que le génie de l’interprète se révèle. Récompensée pour ses performances dans Requiem et Toni Erdmann, l’actrice Thuringeoise se montre tantôt inquiète, tantôt inquiétante dans Anatomie d’une chute. Passant d’une expression à l’autre en une fraction de seconde, se révélant parfois vulnérable, parfois séductrice, elle crée le doute chez les jurés autant que chez les spectateurs.
La rencontre de deux femmes
Il faut dire que l’actrice n’a pas été retenue au hasard par la réalisatrice, Justine Triet. La cinéaste, troisième de l’Histoire du 7e art à remporter la très convoitée Palme d’Or, justifie le choix de Sandra Hüller : “J’avais envie de retravailler avec elle, après Sybil. J’ai écrit pour elle, elle le savait, c’est une des choses qui m’ont stimulée dès le départ. Cette femme libre qui est finalement jugée aussi pour la façon qu’elle a de vivre sa sexualité, son travail, sa maternité : je pensais qu’elle apporterait une complexité, une impureté au personnage, qu’elle éloignerait totalement la notion de « message »”.
Décortiquée par le procès, jetée en pâture devant l’audience et son propre fils, Sarah se débat, cède parfois, se révèle aussi complexe que complète. Une interprétation extrêmement personnelle, chargée d’expérience et de vérité, qui a impressionné la réalisatrice comme jamais auparavant.
“Elle a amené une croyance, une vérité, qui transcende le scénario, poursuit la cinéaste. C’est quelqu’un qui ancre le moindre dialogue artificiel dans une réalité qui passe par elle. Ou bien elle le rejette et me le renvoie à la figure. C’est très vivant, en tout cas ; elle arrive et elle a un point de vue fort, tout passe par son corps. Elle imprime chimiquement le film comme peu d’acteurs. À la fin du tournage, j’ai eu l’impression qu’elle m’avait donné une part d’elle, réellement. Et que ce que j’avais capturé ne pourrait pas se reproduire.”
Anatomie d’une chute, récompensé d’une Palme d’Or au festival de Cannes 2023, est à découvrir exclusivement au cinéma dès le 23 août.