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    "Obsédant et envoûtant" : ce chef-d'oeuvre du cinéma chinois ressort en salles et va vous bouleverser
    Vincent Formica
    Vincent Formica
    -Journaliste cinéma
    Bercé dès son plus jeune âge par le cinéma du Nouvel Hollywood, Vincent découvre très tôt les œuvres de Martin Scorsese, Coppola, De Palma ou Steven Spielberg. Grâce à ces parrains du cinéma, il va apprendre à aimer profondément le 7ème art, se forgeant une cinéphilie éclectique.

    Chef-d'oeuvre du cinéma chinois, Palme d'or à Cannes en 1993, Adieu ma concubine revient au cinéma ! Pour fêter ses 30 ans, le film s'offre un lifting en 4K grâce à Carlotta Films.

    Mis en scène par Chen Kaige, Adieu ma concubine a remporté la récompense suprême du Festival de Cannes en 1993, la Palme d'or (ex-aequo avec La Leçon de piano de Jane Campion). À l'occasion des 30 ans de sa sortie en salles, ce chef d'oeuvre est de retour sur grand écran dans une version restaurée 4K.

    Cette fresque flamboyante nous emmène à Pékin, en 1924. Douzi entre à l’académie de maître Guan pour apprendre l’art de l’opéra chinois. Très vite, il se lie d’amitié avec le jeune Shitou. Devenus adolescents, les deux garçons obtiennent les rôles principaux de l’opéra "Adieu ma concubine", ceux du roi Chu et de sa maîtresse Yu. Ce grand classique de la culture chinoise les mènera vers la gloire.

    Dix ans plus tard, désormais connus sous les noms de Dieyi et Xiaolou, les inséparables Douzi et Shitou jouent inlassablement ce même opéra. Mais un chamboulement va bientôt advenir. Amoureux de son partenaire depuis toujours, Douzi apprend les fiançailles de Shitou avec Juxian, une ancienne prostituée…

    Adieu ma concubine
    Adieu ma concubine
    Sortie : 27 octobre 1993 | 2h 53min
    De Chen Kaige
    Avec Leslie Cheung, Zhang Fengyi, Lu Qi
    Spectateurs
    3,9
    louer ou acheter

    Adieu ma concubine nous transporte au coeur d'une période mouvementée de l'Histoire chinoise. Avec ce récit fleuve de 3 heures, Chen Kaige ne nous offre pas seulement un spectacle esthétique éblouissant ; il livre également une critique acerbe des pratiques liberticides instaurées depuis la Révolution culturelle par le gouvernement chinois.

    À noter que le long-métrage est porté des comédiens exceptionnels, Gong Li, Zhang Fengyi et le regretté Leslie Cheung, décédé en 2003. Souffrant de dépression chronique, il a mis fin à ses jours à l’âge de 46 ans. Superstar hongkongaise des années 80 et 90, l'artiste a laissé un grand vide dans le monde du cinéma après sa tragique disparition.

    GENÈSE DU PROJET

    À l'origine, Adieu ma concubine est un roman publié en 1985 par l’écrivaine hongkongaise Lilian Lee. La productrice Hsu Feng a donné ce livre au cinéaste Chen Kaige durant le Festival de Cannes 1988 en lui proposant de se charger de l'adaptation cinématographique. Deux ans plus tard, le metteur en scène accepte le projet après avoir rencontré la romancière Lilian Lee.

    Chen Kaige a signé pour réaliser le projet, à condition d'y apporter quelques changements. Il ajoute ainsi un prologue et un épilogue, situés en 1979, et décide de modifier les liens unissant les personnages.

    "Ce n’est qu’en y réfléchissant a posteriori que j’ai trouvé une idée de base sur laquelle bâtir un scénario : la notion que les gens sont souvent victimes des circonstances. Par ailleurs, il fallait approfondir les personnages et les relations entre eux. Celui de Juxian, par exemple. Dans le roman, elle a un caractère plutôt faible", explique le réalisateur.

    "Mais je me suis dit que le film ne tiendrait pas la route s’il n’avait pas un personnage féminin fort. Le scénario est en effet fondé sur l’interaction entre les trois personnages de Duan Xiaolou, Cheng Dieyi et Juxian, chacun d’entre eux pouvant alternativement passer au premier plan, en fonction du point de vue adopté", analyse Chen Kaige.

    Carlotta Films

    DES REGRETS ÉTERNELS

    Par ailleurs, si le cinéaste a décidé d'accepter l'adaptation du roman, c'est aussi pour une raison personnelle. À l'âge de 14 ans, Kaige a dénoncé son propre père sous la pression des autorités chinoises. Cinéaste et passionné d’opéra, Chen Huaikai, père du metteur en scène, avait fait partie du Kuomintang, parti nationaliste chinois, le plus ancien parti politique de la Chine contemporaine.

    L'appartenance de son père à cette force politique avait coûté à Kaige son intégration au sein des Gardes rouges. Ce mouvement était constitué en grande partie d'étudiants et de lycéens, dont Mao Zedong s'est servi, de l'été 1966 à 1968, pour poursuivre le processus de Révolution culturelle. Le jeune Chen Kaige tenait vraiment à être intégré à ce groupe et fera le choix de dénoncer son père pour y parvenir. Il le regrettera toute sa vie.

    "Quand les Gardes rouges ont fait leur apparition, j'ai cherché à les rejoindre. Je voulais faire partie du groupe, ne plus être un adolescent solitaire. J'avais peur. Les Gardes rouges ne voulaient pas de moi, car mon père avait fait partie du Kuomintang. J'étais le fils d'un ennemi. J'ai appris le Petit livre rouge » par cœur, comme tout le monde, j'ai participé aux manifestations. Finalement, j'ai été accepté", se souvient le réalisateur.

    Carlotta Films

    "Puis les Gardes rouges ont fait irruption chez nous et ont contraint ma mère, malade, à rester debout dans un coin pendant quatre heures. Quand on lui a offert une chaise, elle l'a refusée. Je ne l'ai pas défendue, je m'en suis voulu. J'étais déchiré, comment pouvais-je manifester de l'amour à mes parents et, en même temps, être au service du peuple ? En tant que réalisateur, maintenant, j'ai une responsabilité : je dois dire ce que j'ai fait, comment j'ai dénoncé mon père. J'en souffre, et cette souffrance se retrouve dans Adieu ma concubine", a confié Chen Kaige.

    En ce sens, les scènes de procès par les jeunes Maoïstes font tristement et terriblement écho à ce cruel et douloureux moment de sa vie. "Adieu ma concubine vous transporte dans un autre monde, vous plonge dans les luttes de ses personnages et laisse une marque indélébile sur votre âme", a déclaré le réalisateur Guillermo Del Toro à propos du film de Chen Kaige. Pour l'illustre cinéaste Wong Kar-Wai, Adieu ma concubine est "un film obsédant et envoûtant."

    Si vous ne l'avez jamais vu ou si vous souhaitez le revoir en version restaurée, l'oeuvre est ressortie en salles le 16 août.

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