Il existe un film qui est tellement mauvais qu’il en dévient génial : The Room, le long métrage absurde que Tommy Wiseau a financé de sa poche, écrit et réalisé il y a maintenant 20 ans, est œuvre d’art tellement kitsch et involontairement drôle que lors de sa promotion son créateur a même cessé de la vendre comme un drame pour la qualifier de comédie.
The Room est un désastre qui atteint le sublime, idéal à voir entre amis et en version originale – car c’est le seul film dont le doublage va presque jusqu’à “l’améliorer” selon Espinof. Avec Troll 2, ils sont d’ailleurs considérés comme les deux “meilleurs pires films” de l’histoire. Comme pour le Rocky Horror Picture Show, l’ambiance de ses projections anniversaires sont incroyables : une sorte de cérémonie avec un groupe de fans vêtus de cuillères en plastique qui scandent des lignes de dialogue et crient à chaque moment clé.
LES RAISONS DE SON SUCCÈS
Ce qui différencie The Room à d’autres “mauvais” films, c’est qu’on ne s’ennuie pas une seconde. On est captivé par son absurdité, son personnage égocentrique et l’homme qui l’a créé. Le film de Tommy Wiseau est en effet une collection sans fin de maladresses et de moments improbables donnant l’impression d’avoir été tourné dans les années 90 et qui met en vedette son personnage principal qui fascine tellement il est insensé. Johnny est un homme trahi par ses amis et sa copine : un martyr dans un drame moderne à l’apparence émaciée et au regard perdu qui révèlent un être qui ne nous semble pas tout à fait humain.
Tourné avec un appareil photo numérique et avec un film 35 mm en même temps – et donc avec des éclairages qui diffèrent d’un appareil à l’autre –, il est impossible de résumer en quelques mots “l’expérience The Room”. Conflits qui s’introduisent pour disparaître instantanément, sautes d’humeur soudaines chez les personnages, leurs expressions irréelles et leur mémoire de poisson : tout y est.
Adaptation de la propre pièce de l’auteur que personne ne voulait financer, le long métrage a également eu droit à sa version romanesque d’environ 500 pages que personne n’a voulu éditer non plus. Mais Wiseau était un homme en mission et a décidé de risquer quelque 6 millions de dollars de sa propre poche. Personne ne sait d’où il tire cette somme mais surtout, personne ne sait vraiment qui il est, ni d’où il vient, ni ce qu’il fait vraiment dans la vie – bien qu’il affirme que l’argent provient de son activité d’importation de vestes en cuir… Tout autour de l’homme est douteux et participe au côté OVNI du projet.
Cependant, sa nature obsessionnelle a rendu le tournage impossible. Il a dû en effet remplacer la majeure partie de l’équipe parce que les gens ont refusé de travailler avec lui. Même l’un des personnages principaux, Peter, est joué par un acteur différent au beau milieu du film.
UN PHÉNOMÈNE CULTE DURABLE
Et pourtant, le culte de The Room est bien d’actualité avec ses projections de minuit, ses millions de mèmes, ses parodies et ses jeux vidéo. Pendant ce temps, Tommy Wiseau amuse la galerie avec chacun de ses tweets, probablement devenu accro à l’attention après The Disaster Artist, le making-off du film réalisé et joué par James Franco, pour lequel ce dernier a d’ailleurs remporté le Golden Globe du Meilleur acteur dans une comédie pour son interprétation de Wiseau. Le film a également été nommé aux Oscars pour son scénario et aux Golden Globes dans la catégorie “meilleure comédie”.
The Room a depuis eu le droit à un remake intitulé The Room Returns! (2023) avec nul autre que Bob Odenkirk jouant Wiseau et Mike Flanagan dans le rôle de Peter.
Le monde attend désormais le prochain film de Tommy Wiseau, Big Shark, mettant en scène une attaque de requin à la Nouvelle-Orléans, le réalisateur assumant son rôle d’icône décalée avec succès.
Découvrez la bande-annonce de Big Shark ci-dessous :