Annecy est un peu sa deuxième maison. Et comme le succès ne lui est jamais monté à la tête, c’est avec le même état d'esprit qu’à ses débuts que Guillermo del Toro se rend au Festival International de l’Animation dont l’édition 2023 met en lumière le cinéma de son pays natal, le Mexique !
Adoré tant pour ses films que pour ses bons mots, le cinéaste s’est vu offrir l’occasion de prendre la parole pendant une heure, devant un parterre de journalistes, de fans mais également de professionnels. Il n’en fallait donc pas plus pour débuter le show del Toro, entamé par une déclaration d’amour à l’animation, et plus particulièrement au stop-motion.
"Je déteste faire de l’animation, mais j’adore réaliser de l’animation, déclare-t-il en ouverture de cette rencontre. Mais le stop-motion est selon moi la plus belle forme d’animation. Avec une animation numérique, on ne touche pas son sujet. (…) Le stop-motion est ce qui se rapproche le plus de jouer avec ses jouets."
Le Freak Show d'Annecy
A 58 ans, le cinéaste est considéré comme au sommet de son art, en témoigne l’Oscar du Meilleur film d’animation qui lui a été remis cette année pour son film Pinocchio. Pour autant, celui qui se décrit lui-même comme "trop gros pour avoir les pieds qui décollent du sol" n’entend pas prendre la grosse tête :
J’ai construit ma vie sur le fait de n’en avoir rien à f**tre, et je vais continuer à le faire. (…) Je suis bizarre, en fait nous sommes tous bizarres et nos familles ne nous comprennent pas. Alors chaque année nous venons à Annecy pour nous rassembler entre gens bizarres.
S’il n’a pas attaqué directement les plateformes, du fait très certainement de ses nombreuses collaborations avec Netflix, Guillermo del Toro s’est offusqué que les productions de ces services SVOD soient appelés "contenus". "Un contenu est uniquement produit pour éviter que les gens se parlent" s’est-il étranglé.
Se tournant régulièrement vers le public, le réalisateur a sondé plusieurs fois l’audience sur des questions du type : Qui a déjà pratiqué l’animation en stop-motion ? (quelques mains levées) Qui a déjà eu la vie sauvée par un film ? (toutes les mains se sont levées) En plus d’être un cinéaste mondialement acclamé, del Toro prouve qu’il est également un grand showman !
"Le stop-motion est ma religion !"
Que les fans se rassurent, ce dernier n’entend pas imiter Quentin Tarantino pour prendre sa retraite. Mais sa carrière pourrait néanmoins prendre un nouveau virage, et se concentrer désormais sur des projets en animation exclusivement, après peut-être "un ou deux films supplémentaires en prises de vues réelles."
Comme beaucoup, Guillermo del Toro s’étonne de l’écart de la qualité entre les excellents courts métrages produits par les écoles d’animation à travers le monde et celles des longs métrages. Pour lui, le coupable ne fait aucun doute : c’est la faute du système.
C’est pourquoi ses espoirs reposent sur les animateurs de demain, pour certains présents dans la salle, à qui reviendra la lourde tâche de succéder à ceux dont "les cadavres jonchent le sol et qui se sont battus toute leur vie durant pour maintenir l'animation en vie."
Interrogé sur les conseils qu'il souhaite adresser à la nouvelle génération d'artistes, Guillermo del Toro n’a qu’une directive : ne renoncez pas ! L’échec est partie prenante du processus de création, et même un cinéaste de sa trempe continue d’essuyer des refus. "Ces deux derniers mois, on a dit non à cinq de mes projets."
"Faire un film, c’est comme manger de la merde. Même lorsque l'on a du succès, on obtient simplement plus de pain que de merde" résume-t-il avec le langage cru qui le caractérise. Avant d’expliquer avoir passé seize ou dix-sept ans de sa carrière à ne pas travailler.
"En résumé, pendant la moitié de ma carrière je n’ai rien fait" conclue-t-il avant que sa voix ne soit couverte par les applaudissements puis la standing-ovation du public présent dans la petite salle du centre Bonlieu d'Annecy.
Le film d’animation en stop-motion Pinocchio de Guillermo del Toro est à retrouver dès à présent sur Netflix !