Dans l'avalanche de films américains sortis durant la décennie des années 90, certains sont malheureusement restés dans l'ombre. Pour diverses raisons d'ailleurs : sorties confidentielles, films jugés pas assez grand public; films mal vendus par les équipes marketing des studios; calendrier de sortie malheureux parce qu'en concurrence frontale avec un rouleau compresseur du Box Office...
Ou, plus simplement encore, des oeuvres jugées un peu trop hâtivement comme mineures, sous-estimées à l'époque de leur sorties, que le temps s'est parfois chargé de réévaluer. Mais pas toujours. C'est notamment le cas d'un très grand film : Génération sacrifiée.
Des frères Albert et Allen Hughes, on se souvient évidemment de leur tout premier film choc, l'explosif et très énervé Menace II Society en 1993, qui relatait la vie d'une bande dans le quartier afro-américain de Watts, à Los Angeles. On garde aussi en tête le solide mais très perfectible From Hell, adaptation du monumental roman graphique réputé inadaptable d'Alan Moore et Eddie Campbell sur Jack l'éventreur. Et, à la rigueur, pour faire bonne mesure, on pourra rajouter sur la pile le plus récent Livre d'Eli et son univers post-apo.
Un peu coincé dans une filmographie finalement peu étendue, Génération sacrifiée est sorti en 1995. Et c'est peu dire que le film a fait un véritable bide au Box Office mondial, en récoltant à peine plus de 24 millions de dollars. Une cruelle injustice.
En voici la bande-annonce...
Pépite totalement méconnue chez nous, Génération sacrifiée (Dead Presidents en V.O, titre qui fait allusion aux portraits des présidents des Etats-Unis imprimés sur les billets de banque), évoque la douloureuse et tragique histoire d'un groupe d'amis afro-américains désoeuvrés revenus de la guerre du Viêtnam, contraints de participer à un Hold-Up pour se tirer de la misère, dans une Amérique en plein doute d'elle-même et son mythe de l'American Way of Life complètement en panne.
Puissamment mise en scène, très violente (le film est interdit à juste titre au moins de 16 ans), cette fresque est portée par une très belle brochette de comédiens, à commencer par un Chris Tucker comme vous ne l'avez jamais vu, à des années lumières de ses tics et visage élastique d'un Cinquième élément ou Rush Hour.
Lettre d'amour à Martin Scorsese et Brian de Palma, un peu comme si Les Affranchis avaient rencontré Les Incorruptibles, Génération sacrifiée est en outre baigné par une formidable BO signée Danny Elfman, gorgée de R&B, et superbement mis en images par la chef op' Lisa Rinzler, qui était déjà à l'oeuvre sur Menace II Society.
Un très grand film, qui n'existe malheureusement que dans une très lointaine édition DVD. Il n'est, à ce jour, jamais sorti en Blu-ray chez nous, à moins de se tourner vers l'import. Si par hasard un éditeur pouvait se pencher sur la question...