24 ans après Les Enfants du Siècle, Juliette Binoche et Benoît Magimel rejouent l'amour au cinéma dans La Passion de Dodin Bouffant, sous l'oeil des spectateurs que nous sommes, ravis de retrouver ce couple inoubliable, à l'écran... comme à la ville.
Eh oui.... Rappelez-vous : il y a presque 25 ans, ils ont vécu une belle histoire d’amour qui a donné naissance à une jeune Hana vue récemment aux côtés de sa star de mère dans Avec amour et acharnement. A l’époque du tournage du film de Diane Kurys, sur lequel leur idylle est née, Juliette était plus star que Benoît et il avait dix ans de moins qu’elle. De quoi alimenter les lourds bavardages.
En mai dernier à Cannes, ils gravissaient les marches tendres et complices, tantôt rieurs, tantôt enlacés, unis par un lien que tout le monde cherchait encore à définir avec précision.
Aujourd’hui, alors qu'ils sont séparés depuis 20 ans, la "différence" de statut a, qu'on se le dise, laissé place à quelque chose de l'ordre de "l''égalité", tous deux étant au sommet de leur grande et belle carrière et le temps n’ayant définitivement aucune prise sur Mme Binoche.
Passion dévorante à plus d'un titre
Egalité donc, mais aussi équilibre et intimité. Ce sont les mots qui s’imposent lorsqu'on les voit réunis ici sous l'œil aimant de Tran Anh Hung. Véritable déclaration d’amour à la gastronomie française, son film en compétition met en scène l’histoire du célèbre gastronome Dodin Bouffant et de sa cuisinière hors pair depuis 20 ans. A force de passer du temps ensemble en cuisine, une passion amoureuse s’est construite entre eux où l’amour est étroitement lié à la pratique de la cuisine.
A table ! Les pauses gourmandes du cinémaDe cette union naissent des plats tous plus savoureux et délicats les uns que les autres qui vont jusqu’à émerveiller les plus grands de ce monde. Pourtant, Eugénie, avide de liberté, n’a jamais voulu se marier avec Dodin. Ce dernier décide alors de faire quelque chose qu’il n’a encore jamais fait : cuisiner pour elle...
"Mesurée", profonde, la romance courtoise qui unit les deux héros "à l'automne de leur vie" est d’un autre temps, grandement facilitée à l’écran par ce qu’ont vécu à la ville ces deux grandes stars du cinéma français, magnifiques et imposantes au sein de ce décor suranné.
L'entendre soupirer de plaisir en mangeant les plats qu'il lui a concoctés vaut toutes les jouissances ; et la description qu'il fait du trajet des aliments de sa bouche à son ventre toutes les poésies.
Gestes si précis et lents qu’ils en deviennent sensuels, quête du goût incessante et exigeante, silences éloquents et concentrés, parfums, textures, consistances, températures, doux mélange aussi : chez Dodin Bouffant, c’est à travers la bonne chère que la chair se complaît.
Equilibre et saveur de duos au diapason
C’est aussi à travers la passion de son métier que se maintient la nécessaire altérité : "Dans le film, Eugénie demande à Dodin si elle est avant tout sa femme ou sa cuisinière", nous a rappelé Juliette Binoche, riant gentiment à l'intention d'un Benoît Magimel amusé, lors de la conférence de presse cannoise dédiée.
"Benoît avait du mal à répondre ! Il voulait toujours dire "ma femme". Or en répondant "ma cuisinière", il "rend justement à sa femme sa place, son indépendance dans un film beaucoup plus féministe qu’il n’y paraît", a-t-elle encore analysé.
"C'est trouver ce pour quoi on est fait qui rend la vie valable car on évolue par rapport à quelque chose de mystérieux. Ensuite on peut le partager avec quelqu'un, évoluer. Mais savoir qu’elle est cuisinière avant tout lui donne une clarté de ce pourquoi elle est faite. Cela ne l'empêche pas d’aimer et d’être aimée."
Histoire de couples à plus d'un titre, La Passion de Dodin Bouffant célèbre enfin, on le comprend aisément, les collaborations professionnelles harmonieuses qui ont donné lieu à des histoires d'amour précieuses : celle des deux personnages tout d'abord, celle ensuite de leurs mythiques incarnants réunis à l'écran et celle enfin qui a lié le réalisateur et sa partenaire de travail Yen Khe, à la direction artistique, présente à ses côtés à toutes les étapes du projet "pour l'élever au maximum de sa beauté" et le rendre surtout... juste. C'est à cette dernière que le film est dédié.
Notre première rencontre avec Tran Anh Hung :