Que serait le Festival de Cannes sans ses scandales ? Qu'ils soient en coulisses, sur le tapis rouge, en projection ou lors des cérémonies, les scandales et autres polémiques font aussi le sel de ce prestigieux festival français.
Alors quand ils touchent au film qui remporte le précieux sésame, ils ont forcément une toute autre saveur. Retour sur 5 Palmes d'or qui ont fait scandale au Festival de Cannes.
La Dolce Vita (1960)
Film italo-français réalisé par Federico Fellini, La Dolce Vita (sorti en France sous le titre La Douceur de vivre) avait déjà fait du bruit avant même sa présentation à la 13ème édition du Festival de Cannes en 1960.
Sa projection en Italie quelques mois plus tôt avait valu à son réalisateur et à son acteur principal Marcello Mastroianni des sifflets, des insultes et même des crachats, le film étant considéré comme immoral par les spectateurs et l’Église catholique.
Construit comme une succession d'épisodes, La Dolce Vita suit les tribulations de Marcello Rubini, un journaliste de presse people, au cours d'une semaine de mondanités à Rome. Sa projection à Cannes lui a valu également des réactions choquées.
Pourtant, le film de Federico Fellini remporte la Palme d'or de la part du jury présidé par Georges Simenon. Une récompense sifflée par le public lors de la cérémonie de clôture.
Si La Dolce Vita a été conspué par la presse italienne, il a été globalement mieux reçu par les critiques français. S'il a créé le scandale à Cannes et à sa sortie en salle pour sa description d'une société faite d’opulence et de débauche, il est aujourd'hui considéré comme un classique du cinéma italien et comme un film majeur dans la carrière de Federico Fellini.
Taxi Driver (1976)
En 1976, Martin Scorsese a 34 ans et présente, en compétition, Taxi Driver. Le film suit les errances new-yorkaises d’un vétéran de la guerre du Vietnam, joué par Robert De Niro, devenu chauffeur de taxi. Sur sa route, il rencontre une jeune prostituée, interprétée par Jodie Foster alors âgée de 13 ans.
L’extrême violence de Taxi Driver secoue la Croisette. Des spectateurs huent le film, tandis que d’autres quittent la séance. “Martin Scorsese, Robert De Niro et Harvey Keitel étaient coincés dans l’hôtel et sortaient à peine”, se souvient Jodie Foster pour The Hollywood Reporter.
Le cinéaste apprend que le président du jury, Tennessee Williams, déteste le film. Persuadé de repartir les mains vides, il rentre aux États-Unis finir son film suivant, New York, New York. Finalement, après une longue délibération, Taxi Driver reçoit la Palme d’or, au grand dam des indignés.
À sa sortie, le long métrage remporte un grand succès et rassemble 2 697 355 spectateurs dans les salles françaises. Il reçoit quatre nominations aux Oscars, dont celle du meilleur film.
Sous le soleil de Satan (1987)
Adapté du roman du même nom de Georges Bernanos publié en 1926, Sous le soleil de Satan est le neuvième long-métrage de Maurice Pialat. Porté par Gérard Depardieu, Sandrine Bonnaire et Pialat lui-même, ce film raconte la descente aux enfers de Mouchette, jeune fille broyée par le mal, qui soupçonne la présence de Satan en elle. L'abbé Donissan, en quête de sainteté absolue, tente de la ramener vers Dieu.
Ses thématiques valent évidemment au film radical d'être très scruté lors de sa projection au Festival de Cannes en 1987 par le public et par la presse, qui reprochent à Maurice Pialat d'avoir trahi le roman.
Surtout, les critiques voient dans Les Ailes du désir de Wim Wenders un candidat idéal à la Palme d'or. Pourtant, le jury présidé par Yves Montand donne la précieuse récompense à l'unanimité au film de Pialat.
Ce couronnement est sifflé et conspué par le public lors de la cérémonie de clôture. La réponse, devenue célèbre depuis, de Maurice Pialat, poing levé, ne se fait pas attendre :
"Je ne vais pas faillir à ma réputation : je suis surtout content ce soir pour tous les cris et les sifflets que vous m'adressez. Et si vous ne m'aimez pas, je peux vous dire que je ne vous aime pas non plus".
Quiz scandales à Cannes : êtes-vous incollable sur les plus grosses polémiques du Festival ?Pulp Fiction (1994)
Film culte de Quentin Tarantino, Pulp Fiction n'a pourtant pas été très bien accueilli par tous lors du Festival de Cannes en 1994. Après avoir été révélé grâce à Reservoir Dogs, le grand cinéaste en devenir était attendu au tournant avec son deuxième long-métrage.
Porté par Bruce Willis, John Travolta, Samuel L. Jackson et Uma Thurman, Pulp Fiction raconte l'odyssée sanglante et burlesque de petits malfrats dans la jungle de Hollywood à travers trois histoires qui s'entremêlent. Devenu un grand classique du cinéma depuis, ce film a confirmé le talent de Tarantino et mis en exergue son style novateur, haut en couleur et violent.
Et surprise, le jury de la 47ème édition présidé par Clint Eastwood donne la Palme d’or à cet outsider de la compétition. Si la majorité du public applaudit, une voix dissidente se fait entendre dans l'assemblée.
Une femme crie : "Quelle daube, mais quelle daube ! Putain, fais chier". Alors, que fait Tarantino en réponse ? Un petit doigt d’honneur furtif qui a choqué le public, et qui fait toujours parler aujourd'hui.
Titane (2021)
Cinq ans après Grave, son premier film, Julia Ducournau présente Titane, sélectionné au 74e Festival de Cannes en 2021. Animée par les questions du corps et ses multiples transformations, elle raconte le parcours d’une tueuse en série - bluffante Agathe Rousselle - qui, pour échapper à la police, se fait passer pour un garçon disparu dix ans plus tôt.
Le scandale n’intervient pas tant lorsque le film reçoit la Palme d’or, mais plutôt après la projection officielle, organisée le 13 juillet. La violence de Titane provoque de nombreuses réactions viscérales, comme des malaises, chez certains spectateurs. Des réactions qui obligent les pompiers à intervenir dans le Grand Théâtre Lumière.
Présent sur place, AlloCiné avait immortalisé les avis à chaud en vidéo. "Ce film devrait être interdit", s'était indignée une spectatrice à notre micro.
La Palme d’or remise au film est une révolution dans l’histoire de la Croisette. Vingt-huit ans après Jane Campion, Julia Ducournau devient la seconde femme à recevoir le prix suprême. Surtout, c’est la première fois qu’une œuvre dite “de genre”, aussi transgressive et flirtant avec l’horreur, est honorée de cette manière.