Dans un Festival de Cannes riche en polémiques hors des écrans, que ce soit Jeanne du Barry avec Johnny Deep ou la sélection contreversée du Retour de Catherine Corsini, il est rafraîchissant de voir de la polémique (ou du moins une forme de dérangement) sur l'écran.
Et c'est Jessica Hausner, tout sourire en conférence de presse et sur le tapis rouge, qui se charge d'allumer l'une des trop rares mèches de la quinzaine avec son Club Zero. Hausner poursuit ici son exploration des tréfonds de l'âme humaine et de ses ressorts mystérieux et honteux. Ceux qui ont vu Lovely Rita ou Hotel savent la profondeur des tréfonds en question.
Coup de jeûne
Avec Club Zero, la cinéaste nous convie à une fable noire, celle de ce professeure en diététique (Mia Wasikowska, fascinante et terrifiante) arrivant dans une école de l'élite, une élite indéterminée, tout comme le lieu et l'époque où se situe l'action du film.
Habitée par une foi inébranlable dans les vertus du jeûne, elle se met en tête de convertir ses élèves aux bienfaits de la privation de nourriture. Une fois enclenchée, la mécanique de l'endoctrinement ne semble plus pouvoir être enrayée au grand dam des parents, réduits à l'impuissance face à cet enseignante devenue gourou.
Fable lucide
Alors oui, le film parle du rapport à la nourriture. Mais la réalisatrice ne livre pas un film clinique à la Todd Haynes (cf. Safe), et ne s'intéresse finalement pas vraiment aux troubles alimentaires en tous genres. Même si elle nous gratifie d'une scène de vomi particulièrement dérangeante, d'autant plus malaisante qu'elle implique une jeune fille.
Mais le film ne se résume pas à une scène, pour choc qu'elle soit. Jessica Hausner choisit plutôt d'élargir son propos, pointant l'hyperconsommation, soulignant le clivage des générations sur les questions écologiques. Et si la fable est assumée, le questionnement est subtile, Hausner se refuse à donner des bons et des mauvais points et émaille la satire de quelques saillies lucides sur la catastrophe environnementale qui menace.
Démarche responsable
Au cours de la conférence de presse traditionnelle, la cinéaste a tenu à préciser qu'elle n'adhérait absolument pas aux recommandations défendues par son anti héroïne, avant d'ajouter qu'aucun de ses acteurs n'a suivi de régime ou perdu du poids. Le recours au maquillage et aux costumes a donné l'illusion de l'amaigrissement.
L'anecdote peut sembler futile, mais elle dit tout du projet de la réalisatrice. Elle propose un film résolument subversif et dérangeant mais le fait en préservant l'intégrité de ses comédiens. Une démarche responsable en quelque sorte.
Club Zero n'a pas encore de date de sortie française.