De quoi ça parle ? Habib est un jeune acteur qui rêve de théâtre et de cinéma, mais qui n’enchaîne que des rôles sans envergure. Sa famille a bien du mal à comprendre cette passion qui ne lui rapporte pas un rond. Jusqu’au jour où il décroche un petit rôle de gigolo aux côtés de Catherine Deneuve. C’est le début de la grande aventure, mais aussi le début des problèmes…
Une étonnante histoire vraie
A l'origine du film, il y a une histoire vraie. Lors d'un atelier avec ses étudiants, Benoît Mariage a rencontré Bilal, un jeune acteur novice d’origine marocaine : "On sympathise, il me demande d'animer un atelier cinéma dans son quartier. Et puis quatre ans sans nouvelles."
"Quelle n’est pas ma surprise quand je vais au cinéma voir Le Tout Nouveau Testament de Jaco Van Dormael et que je découvre, le temps d'une scène, Bilal en jeune gigolo dans le lit de Catherine Deneuve. Je l'appelle pour le féliciter : « Tes parents doivent être fiers ! ». « Tu parles », me répond-il."
"« Quand ils m'ont demandé ce que j'allais faire sur ce film, je leur ai dit que j'aidais une vieille dame à faire ses courses au Carrefour ». La tristesse d'avoir dû occulter cette expérience à ses parents fut le point de départ de mon écriture", se rappelle le metteur en scène belge.
Part de fiction
En revanche, le fait que Habib doive jouer Saint François d'Assise est une pure invention. Benoît Mariage voulait en effet que le protagoniste soit habité par quelque chose de fort qui le mette en porte à faux avec sa culture d'origine. Le réalisateur raconte : "Une de mes plus belles lectures a été Le Très Bas de Christian Bobin, une biographie originale et bouleversante de François d'Assise."
"L'idée qu'il puisse incarner avec passion un François d'Assise au théâtre m'a convaincu. Habib est fasciné par le personnage. Peut-être tout autant que moi. Une figure révolutionnaire pour notre monde contemporain caractérisé par une avidité à posséder si peu joyeuse. Lui, le plus grand précurseur de la décroissance heureuse. Habité d'une joie parfaite. Comment, comme Habib, ne pas être fasciné ?"
Une fable sur l'identité
Pour Benoît Mariage, Habib, la grande aventure est une fable sur l'identité. Le cinéaste voulait à la fois offrir au spectateur le plaisir d'une histoire attractive et drôle mais aussi susciter une interpellation sur le fond. Il précise : "La réflexion proposée par le film dépasse largement le contexte de la double culture belgo-marocaine : pourquoi est-ce si difficile de devenir ce que l'on est ?"
"Questionnement exacerbé quand on est écartelé par les différents milieux qui nous composent, comme c'est le cas de Habib, acteur intellectuel engagé dans la modernité, issu d'une famille traditionnelle. La grande aventure humaine qu'évoque le titre n'est pas d'avoir parcouru 40 000 km pour aller sur la lune, c'est une aventure beaucoup plus compliquée, celle de franchir cette distance qui nous sépare de nous-même."
Catherine Deneuve joue... Catherine Deneuve
Ce n'est pas la première fois que Catherine Deneuve joue son propre rôle dans une fiction. Il en a déjà été ainsi dans Tout peut arriver, Absolument fabuleux et La Guerre des Miss, où elle se fendait d'un caméo vocal. Sa présence dans Habib, la grande aventure est assez réduite, mais capitale dans le cheminement du héros.
Qui pour Habib ?
Benoît Mariage a choisi Bastien Ughetto, un acteur qui n'est pas arabe, pour jouer Habib. Il explique pour quelle raison : "Bien sûr, j'ai commencé à faire des castings de gars maghrébins. Mais je ne trouvais pas. J'ai alors relancé mon directeur de casting, en précisant de façon péremptoire : « Je veux le John Turturro de Barton Fink, version arabe, c'est pas compliqué, si ? ». Il faut dire que je m'étais maté plusieurs fois Barton Fink, A serious Man et Inside Llewyn Davis des frères Coen. Trois films dans lesquels la tension comique repose sur le tiraillement mental perpétuel de leur protagoniste."
"Deux mois plus tard, il m'envoie un mail avec la photo de Bastien : « Je suis tombé par hasard dessus, il fait un peu Turturro, mais il n'est pas arabe ». Je me suis dit : « Mais c'est lui ! ». Et cette conviction de départ, très forte, n'a fait que se renforcer au fil du travail. Bastien a ce visage à la Buster Keaton. Son impassibilité apparente provoque un effet Koulechov. Il ne fait rien, ou si peu, mais l'émotion liée à l'enjeu de la scène remplit soudain son regard. Le film lui doit beaucoup. Outre le talent, Bastien est un gars généreux, investi et engagé. Bref, un immense bonheur pour un réalisateur."