Animals, film choc réalisé par Nabil Ben Yadir, est basé sur un fait divers sordide survenu en Belgique en 2012. Avec cette oeuvre sans concessions, le réalisateur nous offre l'électrochoc ciné du mois de février.
Un jour il trouvera l'amour de sa vie. il deviendra père de famille et les rendra tous fiers. Un jour, il sera mûr et comblé. Un jour...
Récit choc et poignant, Animals est tiré d'un fait divers sordide survenu en Belgique en 2012. Le film ne nous épargne rien, filmant l'agression du jeune Brahim avec un réalisme confondant.
AlloCiné : Le film s’ouvre sur une longue scène chez les parents de Brahim, où vous prenez le temps d’installer le personnage petit à petit, en nous faisant découvrir le conflit qu’il vit de façon viscérale. Vous souhaitiez dès le départ débuter par cette séquence pour mieux nous plonger ensuite dans l’horreur de ce crime ?
Nabil Ben Yadir : L’idée était de plonger dans le quotidien de Brahim en ne le quittant pas une seconde. Filmer Brahim pendant la préparation de l'anniversaire de sa maman devait rendre sa plongée vers la violence encore plus intense.
Votre caméra colle à Brahim sans le lâcher, pourquoi ce parti-pris assez radical ?
L’idée était de ne pas lâcher Brahim, de le suivre comme s'il y avait un élastique qui liait la caméra au personnage de dos, et donc de ne pas trop s'éloigner de lui, sinon l'élastique lâchera. Tout ce qu'il y a autour de Brahim est beaucoup suggéré par le son. Il y a un gros travail à ce niveau.
L’idée était de plonger dans le quotidien de Brahim en ne le quittant pas une seconde.
Quand le film bascule, au moment où commence l’agression de Brahim, vous prenez le parti de filmer en mode téléphone portable. Pourquoi ce choix ?
La représentation de la violence a transcendé toute la fabrication du film. Je ne voulais pas suggérer comme je ne voulais pas la filmer de manière classique car chaque plan devait être lourd de sens.
Le fait de filmer par le prisme des téléphones portables me permettait d'approcher le réel et en même temps, le fait de laisser le libre choix aux comédiens de filmer ce qu'ils veulent donne cette impression de réalisme.
Quand on sait que le film est basé sur un fait divers sordide, on peut être vraiment saisi par la barbarie du crime et se demander comment des gens peuvent en arriver là. Pourquoi avez-vous décidé de mettre en scène la violence du calvaire de Brahim de manière aussi crue ? Avez-vous envisagé d’édulcorer cette violence au départ du projet ?
Je n'ai jamais songé à édulcorer la violence. C'était un choix qui était clair dans ma tête.
Je n'ai jamais songé à édulcorer la violence. C'était un choix qui était clair dans ma tête. C'était aussi le choix du père de la vraie victime. Si la violence était suggérée ou édulcorée, on passait à côté de l'idée de départ qui était de plonger dans la violence comme notre personnage.
Comment avez-vous appréhendé ces séquences avec vos acteurs, notamment Soufiane Chilah, qui interprète Brahim ?
Tout a été préparé, chorégraphié et accompagné par Mathieu Lardot et son équipe. Beaucoup de chorégraphes nous ont lâché car ils nous proposaient des combats à l'américaine avec des coups de pied et coups de poing et ça sentait le fake.
Jusqu'au jour ou j'ai rencontré Mathieu Lardot avec qui nous avons fait un long travail de préparation. L'idée était que tout soit préparé mais c'était important que l'on donne l'impression d'un réalisme totalement improvisé.
Par ailleurs, comment avez-vous déniché ces excellents comédiens, que ce soit Soufiane et les membres de sa famille ou les criminels, notamment l’interprète de Geoffroy, Vincent Overath, qui est glaçant ?
Soufiane est un acteur professionnel ; il avait joué dans mon précédent film Angle mort. Pour ce film, il avait pris 17kg et pour Animals il en a perdu 15 je pense. C'est un grand acteur qui cherche des rôles éloignés de sa personnalité.
Pour les assassins, c'est autre chose. Ils n'avaient jamais joué la comédie avant. Serkan, Gianni, Lionel et Vincent ont été repérés par Sebastian Moradiellos. Vincent a été repéré dans la rue. Il a passé le casting sans trop y croire et je l'ai tout de suite retenue. C'est une bombe d'acteur. Après le tournage, il a intégré Kourtrajmé et à joué un rôle dans la prochaine saison de Lupin. C'est très bien partie pour lui.
La fin est très surprenante, avec cette séquence de mariage et un dernier plan qui nous laisse sans voix. Comment avez-vous travaillé pour aller chercher tous les petits détails ? Sachant que tout ce que vous racontez dans le film s’est vraiment passé.
Cela reste quand même du cinéma et l'idée de cette troisième partie était pour nous importante : celle de suivre un des assassins le lendemain de cet acte. Nous voulions suivre son rapport à la famille et surtout à son père.
Avez-vous reçu des pressions ou des critiques quand vous avez annoncé que vous vous attaquiez à ce sujet très sensible qui mêle plusieurs communautés ?
Oui... mais quand on voit la force du papa et ce qui est arrivé à Ihsane, on passe au dessus des pressions.
Quel a été le rôle du père de la victime, Ihsane Jarfi, dans la conception du film ?
Il m a donné carte blanche mais je lui ai demandé d'écrire le poème que récite le papa à Brahim. C'est son poème.
Animals est co-produit par les frères Dardenne, quelle a été leur implication dans l’oeuvre ?
J'ai produit le film avec ma société 1080 Films et vu que nous avons tourné à Liège, qui est leur terrain à eux, nous avons décidé ensemble de collaborer sur la production. J'ai engagé leur chef décorateur, Igor Gabriel, qui a fait un travail de fou sur le film.
Et comme eux, j'ai tourné dans l'ordre chronologique, ce qui est vraiment un luxe. Nous avons surtout collaboré avec Delphine Tomson, leur productrice, qui a suivi le projet jusqu'au bout et qui nous a beaucoup aidé.