Le 16 novembre dernier, l'Académie des César publiait sa traditionnelle liste des Révélations, proposée à titre indicatif (et non obligatoire) à ses membres, afin de faciliter le vote pour les nominations aux prix du Meilleur Espoir Féminin et Masculin.
Parmi les seize acteurs cités : Paul Kircher, héros du Lycéen. Une évidence tant le comédien repéré dans T'as pécho ? crève l'écran dans le nouveau film de Christophe Honoré, qui s'inspire du drame vécu lors de son adolescence avec le décès de son père. Nous ne serions d'ailleurs pas étonnés qu'il se retrouve parmi les cinq nommés pour le César. Voire qu'il triomphe.
Mais nous n'en sommes pas encore là, car il est pour l'instant l'heure de faire connaissance avec celui qui s'impose, quoiqu'il arrive, comme l'une des révélations de l'année cinéma 2022.
SON ACTUALITÉ
Bien évidemment Le Lycéen. Quinzième long métrage réalisé par Christophe Honoré, et dont Paul Kircher tient le rôle principal face à Juliette Binoche et Vincent Lacoste. Un projet qui compte parmi les plus personnels de son auteur, puisqu'il s'inspire de la mort de son père, survenue alors qu'il était adolescent.
AlloCiné : Christophe Honoré vous a-t-il dit d'emblée que "Le Lycéen" reposait en partie sur sa propre expérience, ou est-ce venu dans un second temps, une fois engagé sur le projet ?
Paul Kircher : Non, il ne m'en a jamais parlé directement. J'ai entendu d'autres personnes autour l'évoquer, mais je n'ai pas ressenti le besoin de lui poser des questions par rapport à ça. On peut très bien prendre le scénario pour ce qu'il est, sans y chercher des choses autobiographiques. Je me suis dit que ça ne me regardait pas.
L'écriture de Christophe Honoré est déjà très importante en tant que telle. Et, dès le scénario, ça transmettait beaucoup de choses sans qu'il ait besoin de me les expliquer. Surtout que c'est lui qui joue le père dans le film, et c'est une figure dont tu t'inspires un peu. Donc j'ai eu plein de raisons de m'inspirer de lui, même s'il m'a laissé de la place tout en gardant la sienne. Il m'a présenté le film à sa manière, et on se ressemble un peu sur ce plan, de façon assez pudique.
Avec de l'ambition aussi, mais sans avoir un avis déjà arrêté. De par certains choix, il savait ce vers quoi chaque chose devait conduire, mais il ne me donnait pas des directives frontalement. Il m'a donné des livres ainsi que la liberté de faire ce que je voulais.
Vous parliez de cette sensibilité commune avec Christophe Honoré : aviez-vous une image différente de lui avant de faire "Le Lycéen", au travers de ses films ?
Non, je ne pouvais pas m'imaginer comment il était vraiment avant de le rencontrer. Et le moment où nous nous sommes vraiment rencontrés, c'est lorsque le tournage a débuté. Nous avions eu des contacts avant, mais il m'avait laissé le champ libre, tout en alimentant ma préparation avec certains trucs. Puis nous avons commencé par tourner les scènes dans lesquelles nous sommes tous les deux dans la voiture.
Ce sont les deux seuls jours où on jouait tous les deux. Les seuls où il a joué, en tant qu'acteur, donc c'était un bon moyen de faire vraiment connaissance. Moi j'aime beaucoup son cinéma, car j'ai le sentiment que c'est aussi une recherche sur soi-même. Avec des questionnements très personnels. Je le ressens dans ses films et ses pièces, alors qu'on pourrait croire qu'il traite toujours des mêmes thèmes.
Ce que je trouve beau, c'est cette idée de recherche. Cette envie d'essayer de comprendre. Lorsque j'ai reçu le scénario, j'ai regardé les films qu'il a écrits - pas des adaptations - ou sa pièce "Le Ciel de Nantes" [dans laquelle l'histoire de ce long métrage est évoquée, ndlr], et à chaque fois j'y retrouvais des dialogues qui font écho au Lycéen. Et c'était assez marrant.
L'ENVIE DE DEVENIR ACTEUR
Je pense que j'en avais peut-être envie, mais sans forcément m'en rendre compte. J'aimais jouer dans la vie de tous les jours, et notamment lorsque j'étais au lycée. Et c'est plutôt les autres qui me disaient "Toi on va te voir à la télé dans dix ans", mais je n'y croyais pas (rires) Je pense que le déclic a eu lieu il y a deux ans, lorsque j'ai commencé à développer une vraie envie de regarder des films, ce qui a dû jouer. Donc c'était environ un an avant de faire Le Lycéen.
SON PREMIER RÔLE
Il y a eu Capitaine Marleau [l'épisode 20 de la saison 1, ndlr], qui a été diffusé d'abord. Mais le premier rôle que j'ai tourné, c'était dans T'as pécho ? d'Adeline Picault, un premier long métrage. Moi j'étais encore plus enfant qu'aujourd'hui, donc je découvrais surtout et je n'avais pas encore confirmé mon désir de faire ça, même si c'était très excitant.
Cela restait quand même un travail, mais c'était un super tournage. Pas pour les mêmes raisons que sur Le Lycéen. A l'époque, je découvrais plein de choses à la fois, après le Bac. C'était mon premier travail, et dans un monde avec plein de métiers.
LE TOURNANT DE SA CARRIERE
C'est à partir du moment où j'ai fait T'as pécho ? que je me suis intéressé aux théâtre, en parallèle de mes études de géographie à l'université. Je faisais des stages quand j'avais du temps libre ou pendant les vacances. C'est ensuite que j'ai rencontré des réalisateurs qui cherchaient des jeunes acteurs, ce qui m'a valu de passer pas mal d'essais et rencontrer des directeurs de casting.
T'as pécho ? m'a permis de découvrir tout ça, et mon désir de vraiment faire ça a ensuite mûri, au fil de l'université. Le Lycéen serait plus un tournant, car c'est le premier film que j'ai fait en étant considéré, par le metteur en scène, comme un comédien. Je l'étais déjà sur T'as pécho ?, évidemment, mais j'avais un rapport plus enfantin à ce métier. Pour Le Lycéen, je me considérais aussi comme tel. C'était différent.
SON MODELE
Les comédiens avec lesquels j'ai joué là, Juliette Binoche et Vincent Lacoste, ont vraiment été des modèles. Surtout qu'on joue une famille et que, même si tu ne n'aime pas ses membres, ils peuvent représenter un modèle quand même (rires) Là ils ont été super. La famille que l'on forme à l'écran a bien existé grâce à eux. C'était l'un de mes premiers tournages, et ils ont été des modèles pour moi. Sinon il y a aussi Romain Duris, avec qui je n'ai pas tourné.
Il y a même des similitudes dans votre parcours et celui de Vincent Lacoste, qui a aussi fait une comédie d'ados avec "Les Beaux gosses" avant de tourner pour Christophe Honoré. Même s'il s'est passé plus de temps entre les deux pour lui.
Oui, mais lui a commencé quand il avait 14 ou 15 ans, alors que j'en avais 17 quand j'ai tourné T'as pécho ? Mais c'est impressionnant le chemin qu'il a parcouru. Il a été comme mon grand frère sur le film et j'aime beaucoup la personne qu'il est.
LE MEILLEUR CONSEIL REÇU
On ne me l'a peut-être pas dit explicitement, mais c'était d'expérimenter, de me nourrir d'autres choses. C'est pour ça que j'étais à l'université à côté des cours de théâtre. Se nourrir d'autres choses pour pouvoir être plus fort, toucher à plein d'univers. Ne pas penser qu'au jeu. On m'a aussi conseillé d'avoir de l'ambition, tout en restant tranquille.
Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Paris le 22 novembre 2022