A l'occasion des 50 ans de la mort d’Édith Piaf, Allociné s'est entretenu avec Robert Belleret, auteur de "Piaf, un mythe français", une biographie qui tord le cou à quelques-unes des légendes les plus ancrées à propos de la star. L'écrivain a accepté de commenter les moments clefs mis en scène dans le film "La Môme" d'Olivier Dahan. Décryptage ! (Laetitia Ratane)
Edith (Manon Chevallier) et sa mère (Clotilde Courau) © TFM Distribution
La fiction dans "La Môme"
La mère d’Edith chante dans la rue. Seule un peu plus loin, la petite fille âgée d’environ trois ans pleure. Une femme la ramène vers sa génitrice en la qualifiant d'"indigne". Cette dernière s'éloigne avec son enfant qu’elle traîne brutalement et écrit une lettre à son mari qui est sur le front. Elle lui confie ne plus pouvoir s’occuper d'Edith. Afin de tenter sa chance dans le métier de chanteuse à Constantinople, elle la laissera à sa propre mère.
La réalité par Robert Belleret
"La mère d’Edith, Annetta Maillard dite Line Marsa, était bien chanteuse mais pas forcément de rue, elle s’est produite dans des cabarets et des music-halls et disposait d’un large répertoire dont j’ai retrouvé les traces. C’est plus tard qu’elle a sombré dans les addictions et la misère noire. Si elle a "abandonné" Edith très jeune, comme on le dit, celle-ci ne l’accompagnait donc pas dans les rues de Belleville. Edith bébé était gardée par sa grand-mère maternelle dont le logement était très voisin de celui des parents d’Edith.
La mère d'Edith était sans doute moins "indigne" qu’on ne l’a dit même si elle n’avait pas du tout la fibre maternelle. Elle a quand même fait baptiser sa fille à l’âge de deux ans, à Belleville, et la grand-mère, Emma, souvent décrite comme une pocharde, était sa marraine. Un extrait de baptême que je me suis procuré le prouve."
Edith (Marion Cotillard), sa mère et Momone (Sylvie Testud) © TFM Distribution
La fiction dans "La Môme"
Des années après, alors qu'Edith est chanteuse de rue aux côtés de son amie Momone, sa mère vient lui réclamer de l’argent.
La réalité par Robert Belleret
"La scène est crédible car Line Marsa était alors déjà dans la mouise et "à la ramasse". Mais c’est pendant l’Occupation où elle passe d’un hospice à une prison qu’elle a lancé des appels au secours (par lettres) à sa fille devenue une grande vedette. Ces lettres sont poignantes même si Line surjoue son affection pour sa fille, elle manque de tout et réclame des colis de survie. Edith lui en fait envoyer mais elle ne lui rend jamais visite. Elle ne lui a jamais pardonné de l’avoir abandonnée ou délaissée.
Lorsque sa mère est morte d’une overdose, après la guerre, et a été retrouvée gisant entre des poubelles de Pigalle, Edith l’a fait enterrer au cimetière de Thiais et n’a jamais fait transférer sa dépouille dans le caveau familial du Père-Lachaise où reposent son père, Louis, et sa fille, Marcelle, décédée à 27 mois. La mort de sa fille qu’elle avait, à son tour, délaissée a profondément marqué Edith qui traînera ses remords (cachés) jusqu’à la fin de sa vie."
Extrait : Edith, chanteuse de rue
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