L'acteur britannique vient à peine de fêter ses 26 ans qu'il entame déjà une deuxième vie d'acteur, bientôt délesté des oripeaux du vampire glamour de "Twilight" (le dernier épisode de la saga restant à sortir à l'automne). Focus sur un "recadrage" déjà bien amorcé...
Alexis Geng>
Une chose est sûre : "R-Patz" (surnom façon boys band qu'apprécie modérément ce musicien accompli) n'a pas attendu David Cronenberg pour tenter d’échapper à l’attraction puissante de l’astre Twilight - même s'il lui aura fallu l'intervention du Canadien pour y parvenir. En témoignent quelques films tournés pendant le développement de la saga : Remember Me, De l'eau pour les éléphants ou encore l’adaptation de Bel Ami sortie début juin outre-Atlantique - sortie limitée qui, inversement à la France, précède là-bas celle de Cosmopolis (qu'on évoquera en page suivante, et qui, c'est important de le rappeler ici, fut tourné après Bel Ami). Si les deux premiers ont fait mieux que rembourser leur budget de production (quand bien même il ne s’agit pas de la seule donnée à prendre en compte), on conviendra que leur accueil critique, tout comme celui réservé à Bel Ami, fut plutôt mitigé, voire parfois hostile lorsqu'on en venait à la performance de la jeune star.
Ainsi, concernant Remember Me, si pour certains la bluette n’avait « qu'un intérêt relatif : aider les fans du beau Robert Pattinson à patienter jusqu'à Twilight 3 » [Marie Sauvion, Le Parisien], d’autres évoquaient carrément le « charisme de planche à repasser » de l'acteur [Fabien Baumann, Positif], tandis que son interprétation dans De l'eau pour les éléphants était, elle aussi, régulièrement jugée « sans saveur » [Barbara Théate, JDD]. L’une des grandes signatures de Variety, Justin Chang, ne s'est depuis pas montré beaucoup plus amène concernant le travail du jeune homme dans Bel Ami : « “Je n’avais pas idée de la profondeur de ton vide !” s’exclame un personnage dans Bel Ami, et ses mots prennent une résonance involontaire, s’adressant à Robert Pattinson dans le rôle principal. » Un film pour les besoins duquel "Handsome Rob", londonien de naissance, a dû prendre quelques cours de diction afin de… retrouver son accent britannique, selon ce qu'en a rapporté Christina Ricci*.
Bel Ami
Trop proches du romantisme commercial attaché à son image de vampire glam’ ou trop explicitement marketés pour drainer son public de fans vers d'autres salles de projo (même dans le cas de l'adaptation de Maupassant, sans doute), aucun de ces films n'a permis à l’acteur d’accomplir le pas décisif vers "l’après". Perpétuellement menacé d’être dépassé par un nouvel arrivant sur le créneau teenager (Efron, voire Bieber…), irrémédiablement associé au couple gothico-people qu’il est supposé former (en vrai) avec Kristen Stewart, Pattinson est de fait, au-delà même de ses aspirations évidentes, un peu sommé de se réinventer - ou plutôt d'être réinventé - pour survivre. Lui manque donc la fréquentation d’un auteur : Pattinson cherche son Cry-Baby ou son Edward aux mains d'argent – puisque Johnny Depp, comme Leonardo DiCaprio et Brad Pitt (dans d'autres contextes), eut également à se défaire d’une encombrante image d'icône pour midinettes.
Précisons d'emblée qu’il s’agit de survie purement "artistique" puisque le jeune Pattinson (26 ans) est à l’abri du besoin pour quelque temps, payé plus de 12 millions de dollars par épisode de Twilight (sans compter l’intéressement aux recettes) et classé deuxième acteur britannique en termes de fortune personnelle avec 32 millions de livres (derrière Daniel Radcliffe, lequel a pour sa part vu sa rente se tarir l’an passé). « En termes de carrière, Twilight était une sorte de couverture de sécurité », explique l’acteur [The Observer, 06/11/2011]. « Ou plutôt qu’une couverture, un filet de sécurité. J’avais une fenêtre de trois-quatre mois entre chaque épisode durant lesquels je pouvais faire autre chose. Mais quoi que je fasse je savais que j’avais devant moi un autre Twilight, théoriquement assuré de faire beaucoup d’argent. Donc je pouvais toujours me permettre d’échouer. Après la sortie du dernier, vous pouvez en quelque sorte échouer deux fois – et il vaut mieux qu’il s’agisse d’échecs à petit budget. Parce que si vous rencontrez l’échec avec un gros budget, vous êtes plus ou moins fini dans ce milieu. »
Objectif donc "petits" budgets, mais à forte densité et exigence artistiques. Bref, adieu (du moins dans l'immédiat) aux films de studio. Même si le phénomène Twilight a fini par lui peser de façon visible (« Je n’ai pas signé pour Disney. Rien ne stipule dans le contrat que je sois obligé de sourire aux paparazzi », et effectivement l’acteur, plus par spontanéité que par irascibilité, ne s’est jamais forcé), celui qui n’avait auparavant pas fait grand-chose de mémorable** sait tout de même ce qu’il doit à une franchise qui lui a permis d’émerger de la masse, après avoir péniblement convaincu (grâce au soutien de Catherine Hardwicke) la production du film de le choisir et manqué de voir le rôle échoir à Orlando Bloom, Hayden Christensen ou Henry Cavill. Si Twilight est devenu au fil des triomphes un boulet, c’est aussi ce genre de phénomène qui, au-delà du fait de placer un acteur en A-List aux yeux des investisseurs, peut susciter l’envie de certains démiurges (un certain David C., par exemple) de détourner l’animal people pour en faire sa créature.
De l'eau pour les éléphants
Quelques citations qui permettaient (déjà) d’espérer autre chose :
- « Mon ancien agent avait l’habitude de me présenter comme la version masculine de Keira Knightley. Je pensais : "Bien, qu’est-ce que cela dit de moi, exactement ? Je fais souvent la moue ou quoi ?" » [Daily Mirror, 2009]
- « Le premier Twilight est une métaphore portant sur les vertus de la chasteté, mais le film a eu l’effet inverse. Je reçois des lettres qui disent "Je vais me tuer si tu ne regardes pas High School Musical 2 avec moi." C’est un peu fou. » [Rolling Stone, 2008]
- « C’est comme être comparé à ces gens qui ont été dans d’énormes films et qui ont plus ou moins disparu ensuite, même s’ils ont probablement eu des vies bien remplies et pleines de succès. Comme Luke Skywalker. Putain, c’est quoi son nom déjà ? [On lui souffle]. Ah oui ! Les gens disent quelque chose comme : “oh, la malédiction Mark Hamill." Et pauvre Mark Hamill. Mon Dieu. Je veux dire, je suis sûr qu’il s’en est très bien sorti. » [The Observer, Ibid.]
- S'adressant à Reese Witherspoon, lors de la remise d'un prix à cette dernière lors des MTV Movie Awards 2011: « Je ne sais pas si tout le monde est au courant, mais j'ai tourné mon premier film avec toi. Cela s'appelait Vanity fair, la foire aux vanités, et tu jouais ma mère. Ce que j'ai appris par la suite c'est que tu étais directement responsable du fait que mon rôle avait été coupé au montage final - et c'est la vérité. Sept ans plus tard, nous avons de nouveau travaillé ensemble dans un film appelé De l'eau pour les éléphants. Et cette fois tu jouais mon amante. Je ne t'ai pas fait couper. Mais je t'ai baisée. » Même Jim Carrey n'eût pas fait mieux, rayon hommage. A voir en images ici.
Notre interview de l'acteur pour Twilight - Chapitre 4 (voir après 1’30’’, un Pattinson plutôt lucide sur son "potentiel box-office") :
* Sur l’importance ou la logique d’un accent anglais irréprochable dans une adaptation de Maupassant dont l'action se déroule à Paris, on pourra se questionner, certes – pour le spectateur US lambda, l’anglais britannique sonne visiblement plus crédible que de l’américain dans un film en costumes ("c’est vieux donc européen"), et comme il est hors de question de tourner en français...
** Pour mémoire, et sans être exhaustif : un passage par la franchise Harry Potter, une scène coupée dans Vanity Fair, un rôle dans le méconnu How to Be ou encore une interprétation de Salvador Dalí dans Little Ashes, que l'acteur juge déterminant dans son parcours mais qui serait passé totalement inaperçu (même pas sorti chez nous), n’était sa présence au générique.
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