2001-2011 : dix ans ont passé depuis les attaques terroristes du 11-Septembre, point de bascule de l’Histoire qui a bien sûr trouvé son écho au cinéma. Retour en onze points sur une décennie de films dans le "monde d’après"…
Alexis Geng
Land of Plenty (© Océan Films)
Bien entendu, le 11-Septembre n’est pas la date d’invention de la paranoïa. Mais le cinéma, depuis toujours friand de cette très cinégénique passion, n’a pas manqué de traduire celle qui consume le monde depuis 2001 (de façon exemplaire dans le Land of Plenty de Wim Wenders), particulièrement lorsque la peur du barbu s’abat sur des innocents (My Name Is Khan, Divided We Fall: Americans in the Aftermath, soit l’histoire de ce malheureux Sikh tué après les attentats), s’incarne dans le tout sécuritaire, la peur irrationnelle et la xénophobie (les fables Amerrika ou Le Terminal), les préjugés (11'09''01 - September 11, notamment le court de Mira Nair, ou Babel, lorsque l’acte malheureux de deux petits bergers marocains devient en un battement de cil un attentat anti-américain). L'arrivée de l'administration Obama aura certes permis une réelle détente (voir à ce titre l'intervention du président américain à la fin de My Name Is Khan), mais n'aura pas suffi à dissiper l'atmosphère de citadelle assiégée nées des attentats, le sentiment d'être menacés et vulnérables qui prévaut toujours et dont les films persistent à se faire l'écho.
Autres victimes du tristement célèbre Patriot Act, des lois anti-terrorisme ou du renforcement des procédures de contrôle, tant il est vrai qu'on ne peut séparer les attentats de leurs répercussions : les libertés et droits individuels, comme en attestent des films comme Détention secrète (avec la question des prisons secrètes de la CIA), The Road to Guantanamo ou Camp X-Ray: Ghosts of Guantánamo Bay. Si la surveillance exercée par les états sur leur population s'est accrue, le thème était cependant déjà un classique avant le 11-Septembre.
Welcome to Amerrika :
Le 11-Septembre n’est clairement pas étranger au déferlement de films (notamment mainstream) traversés par un sentiment de paranoïa et d’angoisse généralisées, qui trouve depuis toujours un débouché naturel dans la SF, le film catastrophe, post-apocalyptique, etc. Même s’il faut relativiser ici aussi (le concept ne date pas des attentats, loin s’en faut), la corrélation semble plutôt évidente. Les Cloverfield, Guerre des Mondes, Jour d'après, Avatar, Le Village, Phénomènes, Prédictions et consorts peuvent etre lus comme autant de paraboles/représentations/métaphores de l’Amérique ou du monde moderne voire par instants des attentats, parcourues de références qui laissent souvent peu de doute sur le fait que leurs réalisateurs sont bien entrés dans le "monde d’après" ; et les majors avec, puisque même Iron Man se greffe sur un simili-contexte afghan, tandis que nombre de reboots ou d'adaptations de comics optent ostensiblement pour une approche plus sombre, voire franchement crépusculaire, lorgnant de façon explicite sur l'imagerie et l'actualité de l'époque.
New York under attack, dans Cloverfield (© Paramount Pictures)
Le cinéma, ce n’est pas que des films, ce sont aussi des stars, que le scepticisme et l’incrédulité n’ont pas épargné. De là certaines déclarations malaisées, mettant en doute à des degrés divers la version officielle des événements, sans forcément basculer dans la théorie conspirationniste, même si l’on s’en rapproche ; bref malgré leurs doutes, aucune de ces célébrités n'a nié la réalité des attaques ou le bilan des victimes, faut-il clairement préciser, pour ne pas confondre (légère) parano et négationnisme.
On peut citer parmi les sceptiques Marion Cotillard (qui s’est excusée publiquement d'avoir pu susciter la polémique ; la chose n’a d'ailleurs pas remis en cause sa carrière US naissante), David Lynch, Charlie Sheen, Mathieu Kassovitz ou Jean-Marie Bigard… et relever que si l'attaque contre les Twin Towers ou le détournement du vol United 93 ont été représentés au cinéma, l’attentat visant le Pentagone n’a pas vraiment fait l’objet de l’attention des cinéastes, mais a en revanche focalisé l’intérêt des adeptes des thèses conspirationnistes, tout comme l'effondrement du bâtiment 7 du World Trade Center quelques heures après les tours.
Marion Cotillard, dans l'émission Paris Dernière (2007) :
Dans la catégorie délire paranoïaque total diagnostiqué après le 11-Septembre (bien faire la différence avec ce qui précède SVP), signalons la "thèse" vigoureusement dénoncée par Les Protocoles de la rumeur de Marc Levin, qui consiste à prétendre que les Juifs ont fomenté les attaques, sorte de version moderne du Protocole des Sages de Sion, célèbre faux à visée antisémite du début du XXème siècle. On dépasse ici la théorie conspirationniste pour entrer dans la propagande raciste.
La bande-annonce des Protocoles de la rumeur :
Il arrive aussi que le 11-Septembre soit un peu plus sereinement pensé (bien que de façon très engagée et donc contestable), resitué dans le cours de l'Histoire, au-delà des théories fumeuses ou dangereuses. Dans ce registre, on peut penser à différents documentaires, comme Noam Chomsky : pouvoir et terreur. Entretiens après le 11 septembre, lequel, comme son titre l’indique, donne à entendre la réflexion plutôt tranchée du philosophe, dont on reste libre ensuite de s'inspirer ou de se détacher.
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