Qui est (le cinéma de) Terrence Malick ?
samedi 14 mai 2011 - 05h00

The Tree of Life va enfin sortir sur nos écrans : l'occasion pour nous d'évoquer les aspects saillants de l'oeuvre de Terrence Malick avec Christian Viviani, universitaire et coordinateur de la revue Positif... - Dossier réalisé par Alexis Geng

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Comme le trahit le titre original des Moissons du ciel [Days of Heaven], on trouve également chez Malick des références bibliques et mythologiques, et plus largement un certain mysticisme, une religiosité ou du moins la présence d’une transcendance ; c'est si frappant dans sa façon de filmer la Nature (ce qu'il fait sans cesse) qu'on le qualifie souvent de panthéiste

Il y a certainement de cela, mais aussi tout un courant philosophique propre à l’Amérique, lié à un rapport quasi mystique à la Nature. Ce sont Walt Whitman, Thoreau, Emerson, des figures littéraires et philosophiques de cet ordre-là, que l’on retrouve également chez les grands peintres paysagistes américains. Malick s’inscrit dans cette pensée-là, et, chose toujours extrêmement intéressante, il parvient à cette espèce d’exaltation mystique au travers de personnages qui ne sont jamais de purs héros ou des saints, qui sont même souvent des personnages troubles, déchirés, des criminels, etc. Il y a donc là une approche à mon sens très américaine, que l’on peut même retrouver ailleurs dans certains grands films. On peut faire des rapprochements avec Arthur Penn [réalisateur, entre autres, de Bonnie and Clyde quelques années avant Badlands], avec Sam Peckinpah [dont Malick employa l'un des acteurs fétiches, Warren Oates, dans Badlands], ou en remontant plus loin avec King Vidor, ce genre de cinéastes.

 

John F. Peto, Letter Rack on Black (1895)

 

Comment décrire sa démarche esthétique, cette immédiateté, cette façon de s’adresser aux sens pour transmettre un discours intellectuellement mûri, mais très sensoriel et non intellectualisant ?

Il faut encore en revenir à son inscription dans de grandes tendances de la culture américaine. La peinture américaine, que l’on peut qualifier très globalement de réaliste, est une peinture qui balance continuellement entre l’infiniment petit et l’infiniment grand, et déjà ce balancement est porteur de sens, de transcendance. Vous avez par exemple toute une série de peintres qui travaillent sur une manière de repenser la tradition de la nature morte ; je pense à des peintres comme John F. Peto par exemple, qui reproduisent avec un œil quasiment photographique un tableau sur lequel on a épinglé des choses, avec des traces de punaises, des éraflures, ou une arme à feu, rendue avec une précision maniaque… De l’autre côté, vous avez les grands peintres de l’Ouest, les Charles Marion Russell, Frederic Remington et autres qui ont également inspiré John Ford, et qui, eux aussi, sont dans ce discours articulé autour de l’infiniment petit et de l’infiniment grand. L’une des caractéristiques que l’on retrouve dans le cinéma de Malick, mais aussi chez tous les membres de la "famille" dans laquelle il vient se placer, ce sont ces personnages très petits à l’intérieur d’un paysage immense. Cela a même abouti, vers la seconde moitié du XIXème siècle, à toute une tendance de la peinture américaine qui a laissé des traces très fortes dans le cinéma : le luminisme, où la trace humaine disparaît, et ne reste que le paysage. Le rapport à l’eau, la manière dont se déploie le paysage dans les plans de Malick… On peut évidemment en retrouver la trace chez les grands peintres luministes américains de la seconde moitié du XIXème siècle. Ce que je veux dire par là, c’est que Malick nous paraît tout à fait unique maintenant - et il l’est. Mais en même temps, s’il était né quarante ou cinquante ans plus tôt, il se serait trouvé avec d’autres cinéastes et artistes qui étaient dans la même mouvance, la même pensée. Je pense, encore une fois, à Ford ou à des gens comme lui.

 

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Commentaires

  • AerisDies

    Merci pour cette très intéressante interview

  • johnrael

    Très intéressant en effet

  • Guillaume182

    Superbe dossier, et je partage tout à fait l'avis de Monsieur Viviani à propos du "Nouveau monde" qui à été mal compris par une partie du public, et qui pour moi est un trés bon film comme tous les autres d'ailleurs.

    A l'heure ou le cinéma américain disparait petit à petit, car aujourd'hui il n'y a plus que des blockbuster abrutissant, ils sortent des films sur l'infâme bieber, des comédies à vomir.

    Le cinéma deviens un fast food.

    Mais fort Heureusement il y a toujours ce grand cinéaste de génie, poétique et surtout authentique, c'est quelqu'un qui fait ses films comme il le veut.

  • Clamavi

    Interview très intéressante !

  • StanKubri34

    Voilà une interview des plus intéressantes. Je suis, en somme, d'accord avec la vision de Viviani sur le cinéma de Malick. C'est vraiment un artiste, tous ces films sont d'une poésie envoutante, d'une beauté visuelle renversante que l'on ne retrouve chez personne. Il est vrai que ces films sont assez mal reçus par le grand public, mis à part "La Ligne Rouge", ce qui peut être compréhensible.. C'est du cinéma pur, chaque image ont un sens que le grand public n'arrive pas à capter forcement.. C'est dommage. Son style est propre à lui-même et il s'affirme de plus en plus comme un très grand cinéaste.
    Il me tarde de voir The tree of life !

  • fabrobinet

    Merci pour cette brillante interview!!! Un des derniers grands cinéastes!!!! Un des seuls à ne pas avoir vendu son âme aux grandes compagnies de production!!! Une leçon de cinéma et de vie à chaque film!!!!

  • Dalzon

    Un dossier passionnant! J'ai (re)découvert Monsieur Malick, cette interview éclairante d'un universitaire éclairé m'a conforté: plus qu'un cinéaste, Terence Malick est un artiste, un vrai.

  • Le-nocher-grec

    Merci à Viviani pour cette recherche éclairante et très fouillée de T. Malick. Très peu de cinéastes comme lui, mêlent aujourd'hui poésie et un si grand intérêt à la nature. Ses films "The Thin Red Line" et "The New World" m'ont profondément bouleversé, c'est donc avec joie que je vais aller voir son dernier opus que j'attends depuis bien trop longtemps.

  • heathledgerdu62

    la ligne rouge et le nouveau monde sont des films exceptionnels de Terrence Malick. J'espère The Tree of Life aura la palme d'or du festival de Cannes !!!

  • Another-girl

    Rien à ajouter si ce n'est que vivement la semaine prochaine! "The tree of Life" nous attend les Amis!

  • doc-parnassus

    Terrence est tt simplement le meilleur il nya ke c film ou g limpression dme prendr une claque et dme dire "c bo":!!! vive malick

  • abeaucadeau

    Très bonne analyse. Malick, l'un des plus grands cinéaste de l'Histoire du cinéma. Qui nous fait languir mais qui ne déçoit jamais. Enfin The Tree of Life sort! Je ne pouvais pas mourir avant de l'avoir vu!

  • Alexdrum

    Je trouve ça très bien de publier un article d'analyse à la une d'un site populaire. Allociné est réellement le parfait compromis entre cinéma populaire et artistique.

  • murdoc87

    Merci pour cette interview sur un cinéaste qui fait des films qui ne parleront que à des poète dans l'ame et aussi ceux qui aiment le cinéma de l'image!!!!!!!!

  • Labouene

    Mince alors... ils n'en savent pas plus... Je pensais lire quelques anecdotes croustillantes sur ses tournages et sa personnalité... mais il faut croire que sa non-communication fonctionne toujours très bien... J'ai vu ses 4 films, je ne louperai pas "tree of life"... LE cinéaste de la contemplation!

  • oc?ane c.

    Ayant vu The tree of life (et uniquement ce film-là, dieu merci), je comprend qu'on puisse parler de cinéaste de l'image. Cette interview aide à comprendre les visées de Malick en tant que réalisateur. Mais même en sachant cela, après 2h20 de film....on s'est vraiment fait chier. C'est peut-être poétique par moment, je l'admet, mais quelles longueurs, quelles redondances, que de scènes inutiles. Malick ne fait pas un film, il fait...il fait...eh bien on ne sait pas. Entre le documentaire et la pub, une histoire calée entre des blocs de visuel et c'est tout. Ca ne s'appelle pas du cinéma, ca s'appelle de l'image, de l'ésthétique. Et le cinéma, ce n'est pas que ça.

  • William E.

    @ chouw-they, comment peux-tu te forger un avis sur toute l'œuvre d'un cinéaste en ayant vu un seul de ses films...Il livre sans aucun doute son œuvre la plus compliquée, la plus recherché aussi, je ne me suis personnellement, pas ennuyé une seconde.

  • Guillaume182

    CHOUw-they t'es stupide!

  • mosquito666

    Guillaume182, mine de rien, la critique de chouw est, elle au moins, constructive. Juste dire "t'es stupide" sans élaborer ni même développer le pourquoi de cette phrase est... inutile.
    William E développe, lui, donc la remarque peut etre prise en compte

  • oc?ane c.

    En effet William E., je n'ai vu que The tree of life, c'est pourquoi je ne parle que de celui-ci. C'est vrai que d'un point de vue esthétique, cette oeuvre atteint des sommets. Mais ce qui m'a gêné ce sont vraiment les longueurs par rapport à l'intrigue. Le suspens du début se noie dans des confusions (je pense surtout aux scènes de Sean Penn, belles, mais le sens ?). La "théorie" de naissance du monde et d'apparition de la vie n'en est pas une, c'est bien un documentaire (très poétique, ça, c'est incontestable. Les réferences à 2001: L'Odyssée... sont flagrantes.) Mais derrière tout ça se cache un dogme religieux très manichéen : la nature (le mal, la cupidité, les passions) et la grâce (le bien, la bonté, la contemplation, l'harmonie). C'est un peu simpliste, on le comprend dès que le dinosaure laisse la vie à l'autre. Le réalisateur tente de le compliquer un peu et de l'illustrer avec l'histoire de cette famille déchirée, mais vraiment, à part de belles images et une théorie un peu mielleuse, je ne comprend pas ce qu'a ce film. Je me documente derechef en voyant d'autre de ses films pour pouvoir étoffer un peu mon jugement qui peut sembler, je le reconnais, arbitraire.

  • oc?ane c.

    (Petite note : je ne veux pas faire du HS, ce dossier concerne Terrence Malick et non pas son dernier film, pas la peine de s'étendre, donc, sur le sujet, désolé d'avoir polémiqué là-dessus.)

  • cressen

    Très amusant le titre de ce dossier "Qui est Terrence Malick?".... On est sur TF1 là? A part ça "c'est qui Jean Dujardin?" (question réminiscente de "C'est qui Sarah Forestier?" après les Césars 2011)... Bon j'arrête de faire ma langue de pute...

  • pascal d.

    C'est tout simplement : une souffrance, voir ce film !! Le plus mauvais des mauvais imitateur de S. Kubrick qui visite Jurassic Park ...

  • FREEDOM K.

    Cool, hard, lent et vif à la fois, c'est ça le cinéma de T.Malick. Un patchwork d'émotions et de sensations.

  • Jean V.

    S. Kubrick qui visite Jurassic Park, dit Pascal.
    Ah! Ah! Ah!

    Pour changer ton opinion:

    http://reviewingtreeoflife.blo...

    Critique en anglais avec les sources essentielles de Malick

  • Guillaume182

    mosquito: william E avait déjà exprimer le fond de ma pensée, pourquoi redire la même chose? J'en est assé des gens qui crachent sur les génies sans même comprendre leurs cinéma.

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