The Tree of Life va enfin sortir sur nos écrans : l'occasion pour nous d'évoquer les aspects saillants de l'oeuvre de Terrence Malick avec Christian Viviani, universitaire et coordinateur de la revue Positif... - Dossier réalisé par Alexis Geng
Il existe de nombreux cas de « disparition » ou d’effacement derrière une œuvre, en littérature notamment - comme celui de Maurice Blanchot pour citer un exemple connu. Mais les choses semblent différentes pour un homme de l’image : a-t-on quelques pistes pour expliquer l’absence de Malick aux yeux du monde, ou encore son éclipse de vingt ans (sans qu'il paraisse avoir pour autant rompu avec le milieu) ?
Je ne sais pas, cela a peut-être à voir avec sa psychologie. Malick est quelqu’un qu’on a très peu approché, et dont on sait relativement peu de choses. Même ses acteurs parlent peu du fond de sa personnalité. Est-il timide, est-il réservé… On ne sait pas vraiment. Peut-être l’explication est-elle aussi bête que cela. Peut-être est-ce quelqu’un qui n’aime simplement pas être dans la lumière. Mais par ailleurs, chacun de ses films témoigne à un niveau tel de sa volonté et de son choix de cinéaste, qu’il est parfaitement légitime que Malick pense la chose suivante : "ce qu’ils doivent savoir de moi, je le leur fais savoir dans mes films. Ils n’ont pas besoin de savoir autre chose."
Terrence Malick, une apparition dans Badlands...
Comment est-il revenu – non pas matériellement, puisque les contacts étaient toujours là et qu’il n'aurait jamais vraiment cessé de travailler sur des projets (comme le fameux "Q", dont serait issu The Tree of Life) ? La Ligne rouge marque-t-elle une rupture ou la reprise d’une œuvre ? Y-a-t-il en somme une première et une seconde manière, ou bien Malick a-t-il repris les choses là où ils les avaient laissées ?
Je crois qu’il a repris là où il s’était arrêté, avec un élément supplémentaire qu’il a peut-être géré par ce silence : tout à coup la dimension épique, déjà très évidente dès Badlands, peut, dans un film comme Le Nouveau monde, se déployer et prendre une envergure qu’elle n’a jamais eu auparavant. Et cela il le doit, soudain, aux acteurs qu’il attire, lesquels entraînent des budgets en conséquence, et cela se traduit par un souffle de plus en plus ample, de plus en plus vaste. Ce en quoi Malick est tout à fait remarquable, c’est qu’il continue à gérer tout cela comme il le faisait quand, dans Les Moissons du ciel, il faisait jouer Richard Gere, qui n’était pas connu à l’époque - ou encore Martin Sheen, lui aussi inconnu au moment de Badlands.
Sait-on à quoi ont ressemblé ses débuts comme scénariste [avec notamment une version préliminaire du script de Dirty Harry] ? Peut-on se faire une idée du Malick scénariste d'avant Badlands ?
C’est très difficile de savoir. L’un des rares films où il est mentionné de manière parfaitement nette au générique, c’est Les Indésirables de Stuart Rosenberg, et cela ne lui ressemble pas beaucoup… Ça ne lui ressemble pas du tout, même, bien que Paul Newman et Lee Marvin soient des acteurs qu’il aurait tout à fait pu intégrer dans son discours, quelques années plus tard. Il serait absolument passionnant de voir émerger un jour les versions initiales de ses scénarii. Mais tels qu’on connaît ces films et en l’absence de ces documents, il est difficile de porter un jugement, à cause de cette méthode de travail typique du cinéma hollywoodien qui consiste à faire écrire plusieurs versions du scénario. Que reste-t-il de la vision de Malick dans L'Inspecteur Harry ? C’est difficile à savoir, particulièrement dans le cas de ce scénario qui est passé par énormément de versions, de réalisateurs, de scénaristes, etc.
Pourquoi Malick semble-t-il aujourd’hui "pressé" ? Même s’il ne fait pas un film par an, on observe une réelle accélération de la cadence ["seulement" 5 ans entre les sorties du Nouveau monde et de The Tree of Life, achevé depuis un moment, tandis que l’opus suivant, encore sans titre, est déjà en post-production, et qu'un autre projet commence à poindre]. Ressent-on chez lui si ce n'est un sentiment d’urgence, du moins l'impression de ne pas avoir assez filmé ?
Là aussi on en reste aux spéculations. Mais néanmoins, je trouve que quelque chose se dégage, et en cela on peut parler d’une évolution, sinon d’une rupture, à partir de La Ligne rouge : au-delà des thèmes, de la tonalité des films, il y a quelque chose que Malick partage beaucoup plus qu’il ne le faisait du temps des Moissons du ciel ou de Badlands, l’enthousiasme et le plaisir de filmer, c’est-à-dire quelque chose de très communicatif. Tout d’un coup quand un paysage se déploie sous nos yeux ou quand une couleur vibre, on ressent probablement la même excitation qu’il a pu ressentir à ce moment-là. Cela, Malick le communique magnifiquement, alors que, bien qu’il s’agisse de films que j’admire énormément, je trouve que les deux premiers ont quelque chose de plus réservé, de plus froid. Les réticences de certains à l’égard du Nouveau monde viennent de là, en réalité. Certains ont reproché à Malick de tomber dans une certaine mièvrerie. Je ne pense pas du tout qu’il s’agisse de mièvrerie, mais tout simplement d’une émotion sincère qu’il est de plus en plus à même de faire partager. L’apport de ces dernières années, qui explique peut-être l’intensification de son rythme de tournage, c’est pour moi le côté palpable de l’enthousiasme de filmer.
Malick s’est fait plus ouvertement lyrique…
Complètement, oui, il assume son lyrisme. Mais en même temps, ce qui fait la beauté des Moissons du ciel ou de Badlands, c’est justement l’aspect réprimé de ce lyrisme.
Au-delà de cet aspect lyrique, peut-on déjà se faire une idée de son influence, par exemple sur un cinéaste qu’il a lui-même dirigé en tant qu’acteur, Sean Penn (ce n’est peut-être pas un hasard s’il travaille une seconde fois avec lui), dans The Pledge ou Into The Wild (où est mentionné Thoreau) ? A-t-il des émules, des héritiers, à l'instar du Paul Thomas Anderson* de There Will Be Blood que vous évoquiez ?
Oui. Je ne sais pas si l’on peut vraiment parler d’héritiers ou d’émules, mais en tout cas on sent très bien que Malick "est passé par là". Vous l’évoquiez dans The Pledge, pas seulement pour l’aspect visuel, mais peut-être encore pour ce qui est du rythme. Je crois que Malick a rendu tout d’un coup possible des films comme There Will Be Blood, c’est-à-dire des films qui ne sacrifient plus à ce diktat du rythme rapide qui est le propre du cinéma américain contemporain. Il y a un nouveau tempo, je dirais, que l’on retrouve chez Sean Penn cinéaste, chez Paul Thomas Anderson au moins dans ce film, et l’on pourrait vraisemblablement trouver d’autres cas, qui ont probablement été inspirés par l’exemple de Terrence Malick.
* lequel envisage de tourner son prochain film en 65mm, format notamment utilisé pour Le Nouveau monde.
Propos recueillis le 8 avril 2011 à Paris par Alexis Geng
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