The Tree of Life va enfin sortir sur nos écrans : l'occasion pour nous d'évoquer les aspects saillants de l'oeuvre de Terrence Malick avec Christian Viviani, universitaire et coordinateur de la revue Positif... - Dossier réalisé par Alexis Geng
Est-ce qu’on peut parler d'obsessions dans sa manière de filmer (par exemple ces contre-plongées qui capturent une lumière tamisée par les feuilles des arbres) ?
Oui, et c’est un peu normal. Tous les grands artistes, tous les grands esthètes sont des obsédés ; l’art comporte une dimension ressassement. Ou plutôt, si on le saisit comme ressassement, c’est qu’il y a lassitude, perte d’inspiration. Mais quand il n'est pas perçu ainsi, on est vraiment dans un discours artistique au sein duquel, en effet, des éléments reviennent de manière très régulière. Malick emploie des chefs opérateurs extrêmement différents. Mais même avec quelqu’un d’aussi identifié que Néstor Almendros par exemple [directeur photo oscarisé des Moissons du ciel, devenu progressivement aveugle en cours de tournage], il y a une lumière qui est autant, et peut-être même plus, la lumière de Malick que celle d’Almendros [le cinéaste tourna une bonne partie des plans durant "l'heure bleue" ou golden hour].
Puisqu’il est question de leitmotive, quelle fonction joue la musique dans ses films, comment s’en sert-il ?
Elle casse l’attente, en fait. Je sais que c’est l’un des aspects les plus contestés de Malick, qu’il y a de grands admirateurs de Malick qui souhaiteraient qu’il fasse uniquement appel à des compositions originales, et n’use pas de ce patchwork un peu à la Kubrick qu’il préfère en général. Je ne me lancerai pas là-dedans, cela ne me gêne pas particulièrement et j’en comprends tout à fait le sens : Malick casse l’attente, et ce faisant il invite évidemment le spectateur à aller au-delà des images, à entrer dans ce trip transcendant qui fonde sa démarche. S’il utilise Erik Satie ou Gabriel Fauré sur des images où il pourrait tout à fait se servir de Jerry Goldsmith ou John Williams, c’est que Jerry Goldsmith ou John Williams (de très bons musiciens) entrent dans le cadre d’un programme de musique pour le cinéma. Et si Malick trompe l’attente et place du Satie ou du Fauré à ces moments-là, il introduit un léger déséquilibre chez le spectateur. Cette instabilité pousse, je crois, le spectateur là où il cherche à le mener : il y a des images, la beauté de l’éclairage, des personnages auxquels vous vous attachez, mais ne vous laissez pas avoir par tout cela, et cherchez ce qu’il y a derrière.
Que sait-on de sa manière de travailler ? S’il emploie différents chefs opérateurs, il a également quelques collaborateurs attitrés comme le chef décorateur Jack Fisk. Par ailleurs, on balance à son sujet entre deux clichés, celui du "control freak" plutôt absolutiste, et celui de l’illuminé qui part filmer des oiseaux pendant des heures en plein tournage de La Ligne rouge. Quel réalisateur est-il vraiment, sur un plateau ?
Probablement un peu des deux. Qu’il soit autoritaire, cela me semble certain et inévitable. Le grand cinéaste est une figure d’autorité. Cette autorité peut être plus ou moins bienveillante, ou se faire tyrannie. Le grand cinéaste est comme ça, il impose sa manière de voir. Mais Malick est aussi illuminé, il a un côté enfantin dans lequel j’inclus cet aspect illuminé ou fasciné. Ici aussi, il existe une manière de cliché dans lequel il ne tombe pas : avec une thématique personnelle aussi fortement affirmée, un refus de certaines conventions hollywoodiennes, le côté somme toute non spectaculaire de ses films, on pourrait très bien imaginer que Malick tourne ses films sans acteurs connus. Et pourtant, non : il recherche des acteurs affirmés, connus, qui amènent avec eux leur passé, leur image, leur vécu, qui permettent au spectateur de projeter un certain nombre de choses. En cela, il fait montre à la fois d’une connaissance et d’une fascination de l’acteur qui a quelque chose d’enfantin. Il est toujours prêt à se laisser émerveiller, en fait.
Peut-on aussi parler d’une part de "cynisme raisonnable", comme chez Kubrick ? On imagine que Terrence Malick sait parfaitement qu’il faut appâter le public pour que ce dernier vienne voir des films qu’il n’irait peut-être pas voir sinon, même si cela cadre moins avec la légende qu’on a bâtie autour de lui...
Je pense que cet aspect existe, bien sûr. Les grands cinéastes hollywoodiens ne perdent jamais cela de vue. N’oublions pas que dans l’histoire du cinéma hollywoodien, le culte de l’acteur, même s’il est souvent un esclavage doré, a précédé celui du metteur en scène. Il en reste donc toujours quelque chose : même s’il ne s’inscrit pas dans le star system, un cinéaste américain en a au moins la perception ou le souvenir. Il ne peut donc pas échapper à cela. Par ailleurs, indépendamment du calcul commercial, on voit bien que les acteurs ne sont pas uniquement choisis pour la valeur économique de leur nom, mais que cette valeur doit être assortie d’une harmonie avec le rôle, d’une photogénie et d’un talent bien particuliers. Je ne pense pas qu’on puisse parler de cynisme, mais plutôt d’une soumission à certaines règles du jeu - pas à toutes, mais à certaines.
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