Je suis obligée de commencer par la forme tant j'ai été éblouie par cette prouesse technique. En effet, les quatre épisodes sont individuellement filmés en plan-séquence. Ce qui signifie que du moment où l'on démarre l'épisode et jusqu'au générique de fin, une seule camera suit l'action, sans coupe. Ainsi, en cas d'erreur de la part de l'un des acteurs, techniciens ou même figurants, c'est la totalité de l'épisode qu'il faut refilmer. Le tournage aura parfois nécessité jusqu'à seize prises (pour le dernier épisode), et treize pour l'épisode tourné dans l'école par exemple. Pour d'autres, c'est la première prise qui aura été retenue, bien que d'autres aient été tournées, par précaution. Chaque épisode nécessita des mois de préparation, des semaines de répétitions et un savoir faire imparable. On parle d'une semaine de tournage par épisode. Il aura par ailleurs fallu trouver le lieu de tournage parfait qui permette de situer la maison à proximité du poste de police et du magasin de bricolage. Je vous conseille de regarder la vidéo consacrée au making-off pour réaliser l'ampleur et la qualité du travail effectué, c'est fascinant.
Félicitons le jeu d'acteurs.
J'ai notamment en tête l'épisode 3 qui repose presque essentiellement sur les performances d'Owen Cooper et Erin Doherty interprétant la psychologue Briony Aniston. Cela m'a rappelé l'incroyable épisode 5 de MONSTRES : L'HISTOIRE DE LYLE ET ERIK MENENDEZ dans lequel Erik se confie à son avocate et raconte les abus qu'il a subis, durant 35 minutes, elles aussi filmées en one-shot. Dans ADOLESCENCE, on assiste à un véritable échange entre Jamie et la jeune femme (là où l'avocate était en revanche assez passive et filmée de dos dans MONSTRES) qui adopte d'abord une approche sympathique, familière, afin de mettre en confiance le jeune garçon. Puis, la tension monte progressivement et l'on prend enfin conscience de la menace qu'il représente en réalité, surtout lorsqu'il se tient debout face à Briony et l'intimide. Cet épisode est décisif.
Cela nous amène au sujet de fond. Cette série met en évidence l'ignorance des parents et plus généralement des adultes quant à la vraie nature de leurs enfants et de ce qu'il se passe au travers de leurs écrans ou bien entre eux, a l'école ou en dehors. Ils n'ont pas conscience que le harcèlement et la puberté sont exarcerbés par ce qui les émule sur Internet. Que ce soit des influenceurs, du porno ou bien des trends (tendances). Les adolescents sont aussi manipulables et dangereux que des adultes et tout autant capables du pire, si ce n'est plus, car leur cerveau et apprentissage ne sont pas complétés. La série démarre donc par la stupeur lorsque de bonne heure, une famille est brutalement dessaisie de son innocent petit garçon, cueilli depuis son lit d'enfant, entouré de ses jouets, peluche et cahiers d'écoliers, en larmes et clamant son innocence.
L'épisode se clôture par la prise de conscience du père, stupéfait lorsque la vidéo de surveillance dans laquelle on aperçoit Jamie assener plusieurs coups de couteau à sa camarade Katie, lui est présentée.
Le second épisode qui prend place dans l'école, présente des adolescents sous le choc, ou pas, par ailleurs harcelés, a l'instar du fils de l'enquêteur Bascombe (Ashley Walters), auquel il révèle la véritable signification des émojis en commentaires sous les posts Instagram de Jamie. Le policier réalise alors à quel point il est déconnecté de ce milieu et de son propre fils. D'autres adolescents sont aussi suspectés, ce qui brouille un peu les pistes. Néanmoins, les doutes s'envolent au cours de l'épisode 3 lorsque Jamie est psychanalysé. Comme dans l'épisode 1, on perçoit cet ado comme un innocent accusé a tort, qui veut simplement boire son chocolat chaud. À la fin, il se tient debout et fier, en colère, hurlant, menaçant et balayant d'un revers de la main gobelet et meubles. Et puis, le dernier épisode permet d'en apprendre davantage sur sa famille et l'environnement dans lequel il a grandi. Huit mois se sont écoulés depuis l'arrestation. La série prend fin lorsque le père pleure l'innocence de son enfant au sens pur du terme et en fait le deuil, car celui-ci l'a informé du fait qu'il allait finalement plaider coupable.
La série ADOLESCENCE n'est pas directement tirée d'une histoire vraie comme beaucoup l'ont pensé, mais demeure inspirée de la hausse des crimes au couteau ces dernières années au Royaume-Uni. Stephen Graham commenta : "Pour moi, il y a eu certains cas qui m'ont vraiment marqué, où des jeunes garçons - et ce sont des jeunes garçons, vous savez, ce ne sont pas des hommes - tuaient des jeunes filles". Il voulait également prouver que ce qui fait que ces individus tournent mal n'est pas nécessairement lié à la façon dont ils ont été élevés, dans une atmosphère de violence par exemple.
C'est une série forte en tout point, du sujet traité à la technique. Je recommande cette série à 100 %. Elle se bingewatche en 4 heures.