La police anglaise débarque, aux aurores et armes aux poings, dans une maison pour arrêter un individu suspecté de meurtre. Ça pourrait être le début d’un polar judiciaire classique, sauf que le suspect est un adolescent de treize ans.
Mais plus que tout, ADOLESCENCE impressionne par sa forme. Jack Thorne et Stephen Graham nous livrent une mini-série anglaise de quatre épisodes d’une heure, réalisés en plans-séquences. Et il s’agit bien de véritables plans-séquences, sans aucun artifice pour masquer une coupe. Un procédé qu’ils avaient déjà utilisé pour plonger les spectateurs dans l’enfer des cuisines dans le fabuleux film THE CHEF.
Chaque épisode aura nécessité trois semaines de répétitions et une semaine de tournage avec deux prises par jour. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le résultat est bluffant. Chaque épisode est une véritable chorégraphie où la caméra virevolte au milieu des décors, suit les personnages à travers les bâtiments, enchaîne avec des déplacements en véhicule et va jusqu’à l’utilisation impressionnante d’un drone.
Même si le défi technique en met plein les yeux, ce n’est pas le seul atout de la série. ADOLESCENCE surprend aussi par son fond : elle choisit de prendre pour criminel un enfant, mais sans en faire le centre du récit, et encore moins la victime. Au fil des épisodes, la série accumule les points de vue, chaque personnage n’apparaissant finalement que dans un ou deux épisodes.
Le récit s’attarde ainsi sur l’arrestation, l’enquête, mais aussi l’étude psychologique du suspect et l’impact de l’affaire sur son entourage. Chaque épisode possède ainsi sa propre identité, renouvelant constamment l’impact du plan-séquence sur le spectateur.
Le côté polar est rapidement mis en retrait pour laisser place à des thématiques plus profondes, comme le harcèlement, la culture incel ou l’influence des réseaux sociaux. La série pousse aussi à la réflexion sur le fossé qui sépare parents et enfants, que ce soit dans leur rapport au numérique ou dans la question de la responsabilité des parents face aux actes de leurs enfants. Et elle le fait avec brio, sans être manichéenne ni moralisatrice.
Et bien sûr, le casting est irréprochable, avec des personnages qui évitent les stéréotypes et dont le jeu renforce l’authenticité du propos. Mais c’est surtout le jeune Owen Cooper qui impressionne : il livre une performance saisissante, à la fois intense et troublante, maîtrisant avec brio toute l’ambivalence de son personnage.
Netflix nous offre ici l’une des meilleures séries de son catalogue et prouve une nouvelle fois à quel point les Anglais excellent dans l’art de surprendre les spectateurs. ADOLESCENCE est une véritable claque audiovisuelle qui laisse le spectateur sans voix…
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