Marqué par L’Auberge espagnole et Les poupées russes (beaucoup moins par Casse-tête chinois), j’ai décidé de laisser une chance à cette série. C’était une erreur tant le résultat est catastrophique à tous les niveaux, atteignant des sommets de cringe et de malaise.
L’idée d’axer la série sur les enfants de Xavier et Wendy, à première vue séduisante en cela qu’elle pourrait permettre d’explorer les différences de générations, est un aveu d’échec : le concept de l’univers proposé de L’Auberge espagnole à Casse-tête chinois visait à suivre un destin précis, le vieillissement d’un personnage, Xavier. En le transformant en figure secondaire d’une série, Klapisch admet qu’il n’a plus rien à raconter avec lui. A chacune de ses apparitions, qui actent qu’il n’a clairement plus rien d’intéressant à proposer, la série hurle son absence de raison d’être.
Klapisch ne s’en cache pas, l’idée de prolonger cet univers vient du producteur, et le caractère contre-nature de cette série s’en ressent ainsi fortement.
De plus, en rendant très secondaires les figures emblématiques de ce monde, cette série prend d’emblée des airs de prolongement fauché, entre le remake, la suite et le spin-of, et le tout n’est pans sans évoquer, de sombre mémoire, la saison de Scrubs « Scrubs interns » ou encore les suites direct-to-dvd de franchises comme American Pie, privées de leur casting d’origine.
Dire qu’on est entre la suite et le remake n’est pas une exagération : nombre de situations singent lourdement la trilogie d’origine, de l’arrivée du conjoint officiel d’une jeune fille pendant qu’elle le trompe jusqu’à la scène de la panne d’électricité, en passant par les séquences de fêtes. A cette première couche de déjà-vu s’ajoute une seconde couche de lourdeur avec de nombreuses scènes qui font des références explicites à la première trilogie, notamment sous la forme de clins d’œil appuyés dans les dialogues.
Enfin, une dernière couche de balourdise achève de plomber toute tentative de cette série d’exister par elle-même : le livre de Xavier, « L’auberge espagnole », étant en passe d’être adapté en film, toute une partie du récit s’appuie sur cet aspect méta pour revisiter la trilogie d’origine de façon très poussive. Le comble de l’horreur arrive à la toute fin de la série, qui rejoue de façon aussi cynique qu’artificielle la fin de L’Auberge espagnole.
Le pitch est simple : Tom et Mia, les enfants de Xavier et Wendy, héritent d’un immeuble en Grèce à la mort de leur grand-père. Mia, qui est déjà en Grèce pour suivre ses études – c’est en tout cas ce qu’elle fait croire à ses parents -, voit donc arriver son frère. Ce dernier apprend qu’elle s’est investie pleinement dans une ONG dédiée aux réfugiés, tandis que lui cherche à monter sa startup.
Au fur et à mesure du développement du récit, les situations qui sonnent faux ne cessent de s’enchainer – nombre d’acteurs jouent très mal et l’histoire est globalement mal racontée -, tout en développant une vision aussi caricaturale que pénible de la jeunesse actuelle. La sensation qu’il a fallu cocher toutes les cases, de l’exploration de la communauté LGBTQIA+ à la dénonciation des violences sexuelles, en passant par les problématiques liées aux réfugiés, ne quitte pas le spectateur. Evoquer de telles thématiques est important, mais alors il ne faut pas le faire de façon artificielle, et surtout pas de façon cynique. Ici, on a juste la sensation que les auteurs ont voulu plaire à un panel de consommateurs sensibles aux problématiques de notre époque…le tout pour faire une série produite et diffusée sur Amazon Prime. CQFD... Je n’avais pas vu un tel degré de cynisme depuis le générique des Simpson qui montrait les usines en asie qui exploitent des enfants pour faire des peluches des Simpson.
Le moment le plus pénible dans tout ça reste la mort de Noam, personnage d’homme trans. Rien ne va dans cette scène et ce qu’elle provoque : comme le reste de la série, le moment de sa mort est très prévisible, le personnage étant longuement filmé sur le toit avant qu’il n’en tombe par accident (ce n’est ici qu’un exemple montrant comment tout ici est mal raconté, mal montré, mal amené). Ses conséquences sont pires encore : elle occasionne un conflit caricatural entre la famille de Noam, qui l’a rejetée lorsqu’elle a fait sa transition, et ses amis. Ces derniers décident alors de voler la moitié (!) de ses cendres pour les disperser et faire une cérémonie de leur côté, ce qui est d’un goût franchement douteux – et les personnages trouvent ça très respectueux pour le défunt. Ce moment qui peut donner des frissons tant il est invraisemblable est suivi d’une scène qui atteint le summum du ridicule, lorsque l’ex-petite amie de Noam, après avoir jeté ses cendres dans la mer, se jette à son tour à l’eau en pleurant et en hurlant « Je t’aime ! ». L’ensemble est d’autant plus improbable que jamais des interactions très fortes entre Noam et tous ces « amis » ont été montrées dans les scènes précédentes : certains n’échangent jamais avec lui…quant à sa petite copine, qui va jusqu’à voler ses cendres, s’opposer à sa famille, pour finir par se jeter dans l’eau dans une sorte de suicide symbolique avec ce qu’il reste du cadavre de son ex, eh bien, il est explicite pendant toute la série qu’elle le connnaît depuis très peu de temps et que leur relation est loin d’être stable et profonde. En deux mots : au secours !
En voyant cette série, je repensais aux films de Klapisch que j’ai aimés. Je me suis dit aussi qu’il vaut mieux parler de ce qu’on connaît, des jeunes quand on est jeunes, des vieux quand on est vieux. Et que de façon générale, si on veut faire un œuvre qui défend des principes d’éthiques et de justice, il ne faut pas le faire avec l’argent d’Amazon.