Lassé des fictions made in Netflix, rien ne portait à croire que j'allais être fasciné par cette série documentaire de six épisodes d'une heure, découverte au hasard. "Wild Wild Country" nous plonge au coeur d'une secte menée par l'Indien Osho Rajneesh, surnommé Baghwan, qui s'est installée au début des années 80 dans la campagne de l'Oregon, aux Etats-Unis. Avec l'aide de ses nombreux disciples rencontrés en Inde mais venant du monde entier, ils y construisent Rajneeshpuram, ville gigantesque et utopique où cette communauté religieuse aux allures de secte hindouistes, toute de rouge et d'orange vêtue, peut laisser libre cours à leurs moeurs pacifiques. Mais de violentes tensions naissent de leur voisinage avec les habitants d'Antelope, composé majoritairement des retraités venus couler des jours tranquilles loin des métropoles...
Je n'avais jamais entendu parler de cette secte ni de ses principaux acteurs. En cela, ce documentaire peaufiné d'un grand nombre de témoignages, m'a captivé ! Quelle histoire, autant sociale, spirituelle que politique, et surtout quels destins ! Combat juridique, manigances politiques, intimidations musclées, empoisonnement de masse et tentative d'assassinat semblent tout droit sortis d'une fiction mais il n'en est rien. La mise en scène, très soignée, évite habilement la voix off monotone traditionnelle pour laisser place à une bande son géniale, des images d'archives et des reproductions dessinées. Les documentaristes Chapman Way et Maclain Way ont fait le choix de ne pas prendre parti dans cette affaire hallucinante. Ils exposent les points de vue des trois camps : les villageois d'Antelope soutenus par l'administration locale de l'Oregon, Rajneesh et sa communauté et enfin l'équipe de Ma Anand Sheela, dans un premier temps secrétaire surprotéctrice du gourou, et qui se révèle être le pion central de toute l'ampleur qu'a connu cette communauté. Personnellement, sans approuver pour autant les pratiques de la secte, j'ai perçu et compris les différents partis dans leur position de base. Les témoignages d'acteurs clés, plus de trente ans après l'affaire, nous démontrent qu'il existe toujours une explication et que chacun a eu ses raisons d'agir ainsi. Ce qui rend l'affaire d'autant plus complexe et imprévisible. On sent que les rouages de ce conflit sont régis par la peur de l'un et le refus de capituler de l'autre. Certes, c'est effrayant de se dire qu'autant d'hommes et de femmes éduqué(e)s ont pu se laisser embarquer par les idées d'un seul homme mais ça l'est aussi lorsqu'on contemple la bigoterie et la xénophobie des habitants d'Antelope, qui s'expriment comme étant les représentants du Bien ayant affronté le Mal. En cela, la série interroge et nous place en distance face à cette guerre idéologique : où s'arrête notre liberté et où commence celle des autres ?
"Wild Wild Country" frappe fort car il ne juge pas ni ne condamne. Ce documentaire pose un regard et une réflexion passionnante sur la justice américaine, ses grands fondements et ses contradictions. Les préceptes et dogmes instaurés dans cette secte initialement pacifique deviennent ici secondaires. Pourquoi cette secte a-t-elle tant dérangé les valeurs d'un pays prônant la liberté de culte ? Mais aussi, comment cette communauté a failli prendre le contrôle de tout un comté pour y exercer sa loi ? Et surtout, comment la justice américaine s'est contredite pour mettre fin à cette invasion médiatique et terrestre ?
Ce qui est encore plus hallucinant, c'est de voir qu'aujourd'hui encore, Baghwan connait de très nombreux disciples à travers le monde, que sa pensée perdure et que cette histoire résonne aujourd'hui comme un lointain souvenir...