P'tit Quinquin était un film (ou série) que je redoutais, je le redoutais parce que Dumont est mon réalisateur en activité préféré (si on excepte Godard, mais lui sa carrière est derrière lui malheureusement), il est au-dessus des Kechiche ou Bonello, mais le voir s'attaquer à une série pour Arte ça me faisait peur. Forcément j'étais intrigué, il fallait que je vois ce que ça allait donner, et puis cette intrigue a laissé place à une attente interminable lorsque j'ai lu les premiers retours... Parce que ça avait l'air excellent et ça l'est... Tout simplement.
P'tit Quinquin est sans doute la plus belle chose qui soit arrivée au cinéma depuis Hors Satan et à la télé depuis Fanny et Alexandre (allons n'ayons peur de rien). Parce que je vois surtout les gens parler du fait que ça soit drôle, oui c'est hilarant, sans doute le film le plus drôle depuis un moment, mais de toute façon c'est le film de tous les superlatifs, le plus drôle, le plus beau, le plus fort, le plus émouvant, le plus triste, on peut continuer la liste indéfiniment.
Mais ce qui compte c'est que Dumont arrive à faire la synthèse de tous ses films précédents, à faire un film somme, en gardant son propre style, bien à lui, les acteurs qui sont de véritables gueules de cinéma (on a notamment évoque James Cagney pour P'tit Quinquin et c'est exactement ça), ces paysages du nord qui sont magnifiques, ces personnages parfois à la limite de l'autisme, mais surtout cette tendresse hors norme.
On retrouve dans le film le racisme de la vie de Jésus, la côte d'Opale et le mal qui rôde d'Hors Satan, la religion (un peu) d'Hadewijch, l'enquête policière de l'Humanité et on mélange ça avec quelque chose de nouveau, le burlesque, la comédie.
Le duo de flic qui est encore plus drôle que celui de 21 jump street avec leur accent improbables, leurs déductions qui sont soient absurdes, soient qui sont en retard de 15 ans... Et pourtant ils sont attachants... Jamais Dumont ne va les mépriser, les regarde avec une bienveillance extrême, ils sont drôles malgré eux, ils synthétisent tous les clichés des séries policières (fan de voiture, volonté de rouler sur deux roues et tout un tas de petits trucs qui font que ça fonctionne parfaitement, des petits dialogues, des non-dit, des gestes, comme le fait de remettre un gyrophare sur la voiture alors qu'il y en a déjà un, et tout ça fait en sorte que ça fonctionne parfaitement).
Parce qu'au début, faut bien comprendre qu'on va voir un truc qui n'a nul pareil dans toute l'histoire du cinéma, on est dans le monde de Dumont, la logique de notre monde n'a plus cours et pourtant tout notre monde, toute notre vie, tout ce que l'on peut expérimenter dans la vie est présent dans ce film. C'est ça la beauté de Dumont, c'est le seul à pouvoir faire ça. Le type parvient à me faire hurler de rire sur une scène d'enterrement, sur un échange de dictons sur le beau temps pendant qu'un mec met un bordel monstre dans un restaurant et me faire chialer la scène d'après, le tout avec sa sobriété habituelle, parce que personne ne filme une étreinte comme lui, personne n'y parviendrait.
Rien n'est plus juste qu'une étreinte filmée par Dumont que ça soit dans Flandres, Hors Satan, Hadewijch et maintenant dans P'tit Quinquin. Ces deux enfants qui font les 400 coups, lorsqu'elle demande un câlin et qu'on voit ce morveux qui est insultant, insolant, vulgaire, le lui accorder, c'est la plus belle chose qui m'ait été donné de voir de ma vie. C'est la quintessence du cinéma, réussir à émouvoir avec quelque chose d'aussi beau, banal qu'une étreinte, mais une étreinte passionnée.
Je ne parle pas de l'intrigue policière, elle n'est qu'une trame de fond, ce qui compte c'est cet amour pur que se portent ces deux enfants et qui nous offre la plus belle fin possible.
C'est donc un film qui nous retourne depuis l'intérieur parce qu'il évoque des choses éminemment vraies et pures. Et comme le disait Boileau : "... Rien n'est beau que le vrai : le vrai seul est aimable".
C'est un film foisonnant, il y a plein de choses à dire, sur le racisme, sur cette façon de mettre en avant les décors sublimes du Nord de la France, sur ce mépris des règles de la série télé, cette volonté de non cliffhanger permanente, cette intelligence avec laquelle c'est fait. Il y a du génie là-dedans. C'est réellement sublime.
On peut chercher à intellectualiser tout ça, voir tout ce qu'il a détourné comme codes du genre de la série policière, tout ce qu'il dit sur la société avec la racisme, mais c'est avant tout un film à voir avec le coeur, quelque chose qui nous pénétrer, quelque chose de sensoriel, visiter la côte d'Opale avec Dumont comme guide qui nous fera rire et pleurer, mais surtout qui saura, sans trop en faire nous faire goûter à la tendresse.