Issue d'une famille modeste, la jeune Suzanne Flon rêve de comédie mais ses parents la destinent à l'enseignement. Elle réussit toutefois à trouver le chemin de sa passion en travaillant comme interprète pour les magasins Printemps où elle est présentée à Edith Piaf. Elle devient alors la secrétaire de la chanteuse, puis participe à un concours qui lui permet de suivre des cours de théâtre. Devenue présentatrice au music-hall de l'ABC, elle est alors remarquée par Raymond Rouleau qui la fait débuter au théâtre en 1943 dans Le Survivant.
Suzanne Flon fait ses premiers pas au cinéma en 1947 dans Capitaine Blomet avant d'obtenir un rôle plus conséquent dans Dernier amour deux ans plus tard. Si elle se consacre essentiellement au théâtre, elle est également dirigée par de grands noms du 7ème art tels que Huston (Moulin Rouge), Welles (Monsieur Arkadin et Le Procès), et, plus tard, Losey (Monsieur Klein). Comédienne à l'allure frêle et à la voix profonde, Flon émeut les spectateurs en 1963 dans le mélodrame La Porteuse de pain ainsi que dans Tu ne tueras point, dans lequel elle campe la mère d'un objecteur de conscience, une prestation qui lui vaut le Prix d'interprétation à Venise. Les années 60 seront aussi pour elle l'occasion d'être à trois reprises l'épouse de Jean Gabin, dans Un singe en hiver, Le Soleil des voyous et Sous le signe du taureau.
Jouissant d'un grand capital sympathie auprès du public comme des professionnels, Suzanne Flon, qui obtient deux Molières de la Meilleure comédienne, en 1987 et 1995, fait par la suite des apparitions courtes mais assez régulières au cinéma, de Docteur Françoise Gailland à Gaspard et Robinson en passant par Quartet d'Ivory. Dans L'Eté meurtrier de Jean Becker, sa composition de vieille dame malicieuse, surnommée par Adjani "la sono cassée", marque les esprits : elle décroche pour ce film le César du Meilleur Second Rôle féminin en 1984, récompense qu'elle obtiendra de nouveau en 1990 pour La Vouivre. En 1987, elle tourne sous la houlette d'Alain Jessua qui lui offre le rôle de Clémence la bonne de famille, en donnant la réplique à Michel Serrault. À la fin des années 90, la comédienne retrouve Becker, qui fait d'elle une figure familière de son cinéma tendre et nostalgique (Les Enfants du marais en 1999, Effroyables jardins en 2003).
A 85 ans, celle qui fut ignorée par la Nouvelle vague se voit offrir par Chabrol l'un de ses plus beaux rôles : celui de la secrète Tante Line dans La Fleur du mal (2003). Le réalisateur la reprend en 2004 pour lui offrir un second rôle dans l'un de ses derniers films : La Demoiselle d'honneur. En 2005, elle rejoint l'équipe de Joyeux Noël, le film de Christian Carion qui a décroché six nominations à la 31ème édition des César. Elle y retrouve Michel Serrault en tenant le rôle de la châtelaine. Après avoir reçu en 2002 le Brigadier d'honneur pour l'ensemble de sa carrière, Suzanne Flon marque la fin de son parcours par son rôle de grand-mère excentrique dans Fauteuils d'orchestre (2005), le film de Danièle Thompson. L'actrice s'éteint quelque temps plus tard à l'âge de 87 ans.