Issue d'un milieu aristocrate pauvre mais cultivé, Margarethe Von Trotta rejoint Paris en 1961 pour y travailler comme jeune fille au pair. C'est là qu'elle se découvre, dans les cinémas du Quartier latin, une véritable passion pour le 7e art, en allant voir les oeuvres d'Ingmar Bergman. Elle part alors à Munich suivre des cours de théâtre, puis fait ses premiers pas au cinéma en 1967 en décrochant le rôle principal de Tränen trocknet der Wind.
Sa carrière prend un tournant décisif en 1969 en Allemagne. Influencé par les cinéastes de la Nouvelle Vague française, le cinéma allemand est alors en pleine effervescence, partagé entre une remise en cause radicale de ses fondements et de sa fonction. Elle fait la rencontre de Rainer Werner Fassbinder, qui lui offre un rôle dans Les Dieux de la peste. Ils collaborent à nouveau ensemble sur le tournage du Soldat américain en 1970, puis sur Prenez garde à la sainte putain.
En 1971, son chemin croise celui du cinéaste Volker Schlöndorff, qu'elle épouse la même année (elle divorcera en 1991). C'est le début d'une longue et fructueuse collaboration. Elle co-écrit à ses côtés des scénarios (La Soudaine Richesse des pauvres gens des Kombach) tout en occupant le haut de l'affiche : sa performance d'actrice dans Le Coup de grâce est plébiscitée par la critique.
En 1975, elle co-réalise, avec son mari, L'Honneur perdu de Katharina Blum : le film, qui évoque l'histoire d'une femme broyée par la presse à scandale, fait sensation. Ce n'est toutefois qu'en 1977 qu'elle fait ses débuts en solo derrière la caméra, avec Le Second Eveil de Christa Klages. A la mort de sa mère, en 1978, elle subit un choc terrible. Elle apprend que celle-ci lui a caché l'existence d'une petite soeur qu'elle a dû confier à l'Assistance Publique pour cause de pauvreté. Ses films Les Soeurs (1979), L'Amie (1982) et Trois soeurs (1987) témoignent ainsi de la quête de l'âme soeur, de sa fascination pour le double et de la complexité des rapports féminins.
Douloureusement marquée par l'Histoire de son pays, Margarethe Von Trotta signe des oeuvres engagées. En 1981, elle réalise Les Années de plomb. Inspiré de faits réels, le film dépeint sans concession une Allemagne qui a fait table rase de son passé et en proie au terrorisme des années 1970. Plébiscité par le public et la critique, le film remporte le Lion d'or à la Mostra de Venise. Avec Rosa Luxemburg (1985), elle brosse le portrait de la femme allemande et révolutionnaire qui fut assassinée au début des années 1920 ; tandis que Les Années du mur (1995) s'inscrit dans le cadre d'une Allemagne enfin réunifiée.
A partir des années 2000, elle s'investit davantage dans l'écriture et la réalisation de téléfilms, dans lesquels les personnages féminins ont toujours une place toute particulière, notamment dans Die andere Frau (2004), où elle retrouve devant la caméra sa complice Barbara Sukowa, dirigée à plusieurs reprises pour le grand écran. Côté cinéma, elle continue son introspection du passé de son pays avec Rosenstrasse (2003), avant de changer de registre en réalisant le torride Je suis l'autre (2006).
Se tournant vers le biopic, elle réalise, consécutivement, deux films biographiques dont les protagonistes sont deux figures féminines emblématiques : le premier, se déroulant au Moyen-Age, se focalise sur la religieuse Hildegarde de Bingen (Vision – Aus dem Leben der Hildegard von Bingen, 2009) ; le second s'intéresse à Hannah Arendt, grande philosophe juive allemande du XXe siècle (Hannah Arendt, 2013). Dans les deux longs métrages, c'est la comédienne Barbara Sukowa, égérie du Nouveau Cinéma allemand des années 1970-80, qui interprète ces deux personnages forts.