Georges-Alexandre Guitry, qui adoptera très tôt le diminutif Sacha, naît en Russie car son père Lucien, illustre comédien, fait partie de la troupe du théâtre français de Saint-Petersbourg. Il a à peine deux ans quand ses parents se séparent -sa mère étant une comédienne bien moins connue, Renée de Pontry. Il apparaît sur les planches dès l'âge de 5 ans, dans le rôle du fils d'un Pierrot interprété par son père. S'il aime fréquenter l'univers du théâtre, Sacha est en revanche un élève médiocre et turbulent, qui ne reste jamais très longtemps dans le même établissement scolaire. Auteur d'une première pièce, Le Page, en 1901, il connait le succès avec la suivante, Nono, en 1905. Au même moment, il se brouille avec son père, avant d'épouser en 1907 Charlotte Lysés, qui fut d'abord la maîtresse de ce dernier.
Un temps illustrateur pour des publicités, Sacha Guitry fait ses débuts au cinéma en signant en 1915 un documentaire en forme de célébration des artistes français, Ceux de chez nous. Il écrit en 1917 le scénario de "Un roman d'amour et d'aventures" (dont il est aussi le héros) mais méprise encore le 7e art. Il devient alors une figure majeure du théâtre, à la fois comme dramaturge et comme acteur plein de charme et d'humour. Si plusieurs de ses pièces caustiques sont adaptées à l'écran par d'autres dans les années 20, lui ne se collera à l'exercice qu'en 1935 avec "Pasteur". Suivront entre autres Le Nouveau Testament, Mon père avait raison ou encore Faisons un reve (1936), dans lequel ce réputé misogyne filme tendrement Jacqueline Delubac, la troisième de ses cinq épouses.
Amoureux des mots, Guitry utilise aussi à merveille les moyens propres au cinéma, comme le prouvent Bonne Chance (1935), une comédie bourrée de trouvailles, et surtout Le Roman d'un tricheur en 1936. Cet autoportrait virtuose d'un voleur a bluffé Orson Welles et les cinéastes de la Nouvelle Vague, grâce notamment à son usage novateur de la voix off. Roi du déguisement au phrasé inimitable, il s'offre plusieurs rôles dans Les Perles de la couronne en 1937. Ce film est le premier d'une série de fresques historiques très personnelles, qui valent moins pour leur fidélité aux faits que pour leur fantaisie, et pour la quantité de stars qui y défilent, de Jean Gabin à Jean Marais en passant par Gaby Morlay. Suivront ainsi Remontons les Champs-Elysees (1938) et plus tard Si Versailles m'était conté... (1953) ou Si Paris nous était conté (1955).
Continuant de pratiquer son art dans la France occupée -raison pour laquelle il sera emprisonné pendant deux mois à la Libération, et sévèrement critiqué -, il réalise pendant la guerre le film à sketchs Ils etaient neuf celibataires puis Le Destin fabuleux de Desiree Clary, romance centrée sur une fiancée de Napoléon - il consacrera un long métrage à la vie de l'Empereur en 1955. Créateur égocentrique qui joue dans la plupart de ses films (il incarne même son propre rôle et celui de son père dans Le Comédien en 1947), Guitry se montre généreux avec les autres acteurs, tels sa grande complice Pauline Carton, Fernandel, ou encore Michel Simon, qui fait l'une de ses plus belles compositions dans le féroce La Poison en 1947. Car après-guerre, si la légèreté est toujours présente, elle se teinte de noirceur et de cynisme (La Vie d'un honnête homme, Assassins et voleurs). Diminué par la maladie, il ne peut réaliser seul son dernier film, Les Trois font la paire (1955). Loin de se limiter, comme on a pu le dire à son époque, à du théâtre filmé, l'oeuvre de Sacha Guitry, par son élégante désinvolture et sa dimension inclassable, apparaît aujourd'hui comme l'une des plus précieuses du cinéma français.