Incroyable destinée que celle de Louis Jourdan, petit gars de Marseille qui deviendra l'un des comédiens français les plus célèbres à Hollywood, côtoyant les plus grandes vedettes américaines et devenant le symbole du séducteur français. Né dans la cité phocéenne de parents hôteliers, il tombe amoureux du cinéma à l'adolescence, en assistant en 1938 au tournage de La Femme du boulanger, dont une partie de l'équipe réside dans l'hôtel familial. Après des études dramatiques, Jourdan débute sa carrière en France, sous la direction de Marc Allégret (L'Arlésienne, Les Petites du quai aux fleurs), Marcel L'Herbier (La Locomotive du bonheur) et Henri Decoin (Premier rendez-vous). Mais la Seconde Guerre mondiale, où il s'engage dans la Résistance, freine un temps ces débuts prometteurs.
A peine la guerre terminée, le grand producteur américain David O. Selznick (Autant en emporte le vent) fait appel aux services de Louis Jourdan. Une rencontre clé pour le jeune Français qui va vivre une intense histoire d'amour avec les Etats-Unis. Dès 1947, il tourne pour Alfred Hitchcock dans Le Procès Paradine, aux côtés de Gregory Peck, puis enchaîne sous la direction de Max Ophüls dans Lettre d'une inconnue et Vincente Minnelli dans Madame Bovary, deux films où il tient le haut de l'affiche dans lesquels il impose son personnage de séducteur, bien aidé par un physique plus qu'avantageux.
Louis Jourdan n'a pas encore trente ans qu'il a déjà conquis Hollywood. Elu "homme le plus séduisant du monde" en 1949, il est le symbole parfait du "french lover", à l'instar de Charles Boyer, à qui il donne la réplique dans la comédie Sacré printemps. Les années 50 sont fastes pour le comédien : capable de tenir la vedette d'un grand film d'aventure américain (La Flibustière des Antilles de Jacques Tourneur), il donne la réplique à James Dean sur scène, dans la pièce The Immoralist, alors que sur un plateau, il côtoie Grace Kelly dans Le Cygne de Charles Vidor. Il fait également un tabac à la télévision, notamment dans la série Chasse au crime.
S'il n'oublie pas de tourner en France (Rue de l'Estrapade, réalisé par Jacques Becker; La Mariée est trop belle, avec Brigitte Bardot), Louis Jourdan est définitivement plus populaire aux Etats-Unis. En 1958, sa prestation dans la comédie musicale Gigi de Vincente Minnelli, aux côtés de Leslie Caron et Maurice Chevalier, fait de lui une star mondiale. Cancan, deux ans plus tard, où il partage l'affiche avec Frank Sinatra et Shirley MacLaine, enfonce le clou : élégant, dynamique, le jeune Français sait jouer et chanter, bref, il sait tout faire. L'Amérique est aux pieds du "french lover".
Louis Jourdan se met ensuite un peu en retrait. Peut-être lassé par cette étiquette de séducteur à la française qui lui colle à la peau, il diversifie son travail et tourne un peu plus à l'étranger, notamment en Italie. En 1961, il est un superbe Comte de Monte Cristo pour Claude Autant-Lara, puis incarne un Dom Juan moderne dans Les Sultans, aux côtés de Gina Lollobrigida, et se glisse dans une Peau d'espion pour Edouard Molinaro. Dans les années 70, Jourdan se fait beaucoup plus rare, apparaissant notamment sur petit écran dans des épisodes de Columbo ou Drôles de dames.
Le début des années 80 marque le retour de Louis Jourdan sur le devant de la scène, avec notamment le rôle du méchant Kamal Khan dans le James Bond Octopussy, en 1983. Symbole du charme à la française, il fut une véritable star aux Etats-Unis, beaucoup moins dans son pays d'origine, à l'instar de ses confrères Charles Boyer ou Maurice Chevalier. Grand nom du divertissement, Officier de la Légion d'Honneur et titulaire de deux Etoiles sur le fameux Walk of Fame d'Hollywood Boulevard (dans les catégories Musique et Télévision), il se retire des plateaux au début des années 90 et s'installe à Los Angeles avec son épouse pour y vivre une retraite paisible.
Biographie rédigée par Clément Cuyer