C'est incontestablement une des figures majeures du cinéma d'arts martiaux qui disparaît. Né en Chine, d'où il avait gagné Taïwan dans les années 1940, Chang Cheh s'était établi finalement à Hong Kong pour y devenir metteur en scène, après avoir débuté en tant que scriptwriter aux studios Shaw. Grand découvreur de stars du kung-fu, il fut celui qui aida la carrière de Bruce Lee et de John Woo (qui fut son assistant et fils spirituel).
La "marque" de Chang Cheh se caractérise par un usage fasciné et érotique du sang (les personnages s'éventrent, se contorsionnent, grimacent et meurent dans d'atroces douleurs), par la place réduite des femmes (contrairement aux films de son contemporain King Hu), et par le thème fréquent de l'amitié virile (voire crypto-homosexuelle).
Le succès de The One-armed swordsman (1966), dont le héros est un manchot, puis de sa suite La Rage du tigre, impose les normes d'un wu xia pian (film de sabre mandarin) plus ambitieux. Sous son impulsion, les budgets deviennent plus conséquents, les costumes et les décors plus beaux, et les films s'appuient désormais sur la tradition littéraire du roman d'arts martiaux chinois. Ce changement d'orientation de l'industrie cinématographique hong-kongaise se poursuit durant 15 ans jusqu'à l'avènement de la Nouvelle Vague, dont le chef de file est un certain Tsui Hark.
L'hégémonie du cinéaste est pourtant déjà mise à mal en 1971 par Bruce Lee qui impose le kung-fu et ses combats à mains nues. Chang Cheh trouve alors la parade avec Five Shaolin masters (1974) puis Disciples of Shaolin (1975), où il met en scène le véritable kung-fu chinois (à la différence de Bruce Lee qui opérait une synthèse d'arts martiaux asiatiques divers).
Chang Cheh restera comme le père de deux genres essentiels du cinéma d'arts martiaux ; le wu xia pian nouvelle manière (dont Tigre et dragon est un avatar) et le kung-fu de Shaolin (réactualisé plus tard par Jet Li).