Né dans l’Iowa aux Etats-Unis, le parcours d'Ernest B. Schoedsack s’apparente à celui du personnage cinéaste Carl Denham dans King Kong, son film le plus connu : un réalisateur aventurier cherchant sans cesse à tourner dans des contrées lointaines. Sa jeunesse témoigne déjà de cet état d’esprit. Après s’être enfui de chez ses parents à l’âge de 12 ans, il se rend à Los Angeles et y devient caméraman cinq ans plus tard. Lorsque la Première Guerre mondiale éclate, il est mobilisé sur les champs de bataille français en tant que caméraman. Une fois l’Armistice signée, il se rend en Pologne pour soutenir les Polonais dans le conflit les opposants aux Russes.
C’est à ce moment que Schoedsack fait la rencontre de Merian C. Cooper, qui est lui aussi un Américain anti-bolchévique confirmé et engagé auprès des Polonais dans leur lutte pour la liberté. Entre les deux hommes, l’entente est immédiate, ce qui n’est pas surprenant, tous deux ayant pour passion la mise en scène d’une part, et l’aventure de l’autre (Cooper a été condamné à mort par les Russes, mais est parvenu à s’évader de la prison où il était incarcéré !). Ces deux individus, aux vécus respectifs dignes des plus grands films d’aventure, commencent à réaliser plusieurs documentaires filmés dans des lieux aussi exotiques que dangereux.
Ainsi, Grass, lutte d'un peuple pour la vie (1925) évoque les migrations d'une tribu kurde en Iran et Chang (1927) se centre sur la lutte entre l’homme et les animaux de la jungle en Chine. Ces documentaires rencontrant le succès, ils se dirigent petit à petit vers la fiction : en commençant avec le film d’aventure Quatre plumes blanches (1929), dont les scènes d’extérieur sont tournées en Afrique, et les autres à Hollywood. Suivent Rango, un autre documentaire qu'il réalise seul et qui préfigure King Kong, puis La Chasse du comte Zaroff qu’il met en scène en compagnie d'Irving Pichel pour la RKO (et à nouveau avec la sublime Fay Wray déjà présente dans "Quatre plumes blanches"). Dans ce dernier, il est question d’un chasseur lassé de traquer le gibier qui décide de s’en prendre aux êtres humains.
Le duo Cooper/Schoedsack se reforme en 1933 pour donner naissance à King Kong, grosse surprise en salles. Le film, dont les trucages sont assurés par Willis O'Brien, est rapidement érigé au rang d’œuvre culte de par son sujet et ses trouvailles techniques. "King Kong" est aussi représentatif des parcours propres à ses créateurs (leur goût de l’aventure), lesquels ont voulu conférer une bonne dose de réalisme à cette histoire fantastique (écrite en partie par Ruth Rose, la femme de Schoedsack). Fort de ce succès, Schoedsack sort moins d'un an après Le Fils de Kong, la suite de "King Kong" de moindre qualité qui ne suscite malheureusement pas le même engouement.
Cooper et Schoedsack réalisent ensuite Les Derniers jours de Pompéi en 1935 (dont la fameuse scène du volcan doit beaucoup aux effets spéciaux du spécialiste en la matière O'Brien) puis, à la fin des années 1930, prennent des chemins différents. En 1940 sort en salles Docteur Cyclope, un film produit par la Paramount dans lequel Schoedsack utilise à nouveau le mélange prises de vues réelles/construction en miniature (l’histoire ressemble à celle de Gulliver, puisqu’il est question d’un scientifique réduisant la taille d’êtres humains), lesquelles avaient fait des merveilles sur "King Kong". C’est aussi le premier film du metteur en scène en Technicolor.
Lors de la Seconde Guerre mondiale, Schoedsack est victime d’un grave accident endommageant sérieusement sa vue, ce qui ne l'empêche pas de poursuivre sa carrière. Il retrouve même ses partenaires de longue date Merian C. Cooper (mais en tant que producteur cette fois) et Willis O'Brien pour Monsieur Joe (1949), un film dans la lignée de "King Kong" et brassant les thématiques les plus caractéristiques de son metteur en scène (le rapport entre l’homme et l’animal, l’exotisme, etc.). Son dernier film (pour lequel il n’est pas crédité), This Is Cinerama, voit le jour en 1952 et témoigne de son intérêt pour les avancées technologiques inhérentes au septième art (le film étant destiné à promouvoir la nouvelle trouvaille technologique Cinerama, ayant pour but de présenter une image 6 fois plus importante qu’à l’accoutumée).
Après une carrière placée sous le signe de l’exotisme, de l’aventure et du goût des histoires fantastiques, Schoedsack s’éteint en 1979, à l’âge de 86 ans. Il est enterré avec sa femme Ruth Rose à Los Angeles.
Auteur : Laurent Schenck