Visage racé et élégant, silhouette longiligne, nez aquilin qui lui a valu le surnom de "Sphinx Suédois" à Hollywood, Greta Garbo -Greta Lovisa Gustafsson de son vrai nom-, né le 18 septembre 1905 à Stockholm en Suède. Troisième enfant de la famille, Greta grandit dans un milieu très modeste. Sa mère est couturière, tandis que son père est journalier, se ruinant la santé pour un salaire tout juste suffisant pour subvenir aux besoins de la famille, qui vit dans un quartier ouvrier. A l’âge de 13 ans, elle est obligée d’arrêter l’école pour s’occuper de son père gravement malade. Son décès, qui survient en 1920 et engendre de graves soucis financiers pour la famille, marque profondément la jeune Greta. Contrainte de travailler, elle exerce un petit boulot d’assistante chez un barbier, puis vendeuse dans un magasin de chapeaux pour femmes. En 1921, elle arrondit ses fins de mois en faisant du mannequinat, apparaissant dans de courts films publicitaires. La même année, elle fait ses débuts dans son tout premier film avec "Le chevalier du bonheur", où elle incarne une simple servante.
Son aisance naturelle devant les caméras l’incite à s’inscrire à l’Académie royale d’art dramatique de Stockholm en 1922 pour y étudier pendant deux ans. C’est là qu’elle rencontre celui qui deviendra son mentor : Mauritz Stiller, qui la prend sous son aile et lui confie le premier rôle important de sa carrière : La Legende de Gosta Berling, en 1924. Le film triomphe en Suède et en Allemagne, et propulse sur le devant de la scène la jeune actrice. Stiller lui suggère alors de prendre un nom de scène : ce sera Greta Garbo ; "Garbo" signifiant en espagnol "classe et élégance". L’année suivante, elle tourne sous la direction du grand Georg Wilhelm Pabst, incarnant une prostituée sauvée de la déchéance dans La Rue sans joie. Elle attire alors l’attention de Louis B. Mayer, vice-président de la MGM, qui souhaite l’engager ainsi que Stiller, qui a travaillé sur le film de Pabst.
Arrivant à Hollywood à l’âge de 20 ans, elle est transformée en femme fatale par Louis B. Meyer pour répondre aux canons hollywoodiens. Dans le même temps, elle est mal à l’aise avec la Presse, qui lui pose des questions sur sa vie privée alors qu’elle tente de la tenir à distance. Des relations parfois houleuses y compris avec son public, qui seront une constante tout au long de sa carrière, et plus encore lorsque l’actrice se retirera définitivement du Star System dès le début des années 1940. Excepté au tout début de sa carrière, elle n’accorde pas d’interview, ne signe pas d’autographes, ne vient pas aux avant-premières de ses films, et ne répond pas au courrier de ses fans. Son premier film américain est Le Torrent (1926). Du cousu main pour l’actrice, que la MGM veut imposer : elle incarne une jeune fille espagnole de la campagne, aspirant à devenir une star d’Opéra. Son second film, La Tentatrice, se fait dans la douleur. Mauritz Stiller, son mentor, qui devait réaliser le film, se brouille avec les Executives de la MGM, au point que ceux-ci finissent par le renvoyer. Incapable de rebondir à Hollywood, il repart en Suède en 1928 et décède peu de temps après, à l’âge de 45 ans. Garbo sera dévastée en apprenant la nouvelle.
Quoi qu’il en soit, elle enchaîne les tournages de films muets, qui constituent autant de succès au Box-Office : La Chair et le Diable et Anna Karenine la propulse en haut de l’affiche. L’actrice est extrêmement rentable pour le studio : à elle seule, elle génère en 1925-1926 13% du chiffre d’affaire de la MGM. En conséquence de quoi elle exige de revoir son contrat à la hausse, menaçant les producteurs de repartir en Suède. Ils cèdent, et acceptent de payer le cachet record de 270.000 $ par film, lui donnant par ailleurs un contrôle rarement vu sur ses rôles et les films dans lesquels elle accepte de jouer. Côté vie privée, elle défraye la chronique avec la liaison qu’elle entretient avec John Gilbert, star du cinéma muet. Ce qui ne l’empêchera pas d’entretenir également et officieusement des liaisons homosexuelles, notamment avec l’actrice-réalisatrice Mimi Pollak.
Par divers aspects, Greta Garbo incarne un nouveau type d’actrice à Hollywood : jouant sur sa vulnérabilité mais affichant une sexualité affirmée, mélangeant la passion et cultivant le mystère, elle séduit autant les hommes que les femmes. Son refus de faire des interviews à partir de 1927 entretient cet aura de fascination autour d’elle. Et si Louise Brooks popularise largement la coupe courte à la garçonne tandis que les jupes se raccourcissent, traduisant une vraie émancipation de la femme dans les années 1920, Greta Garbo popularise quant à elle le Trench Coat et le béret.
Contrairement à d’autres, elle négocie bien le virage du cinéma parlant ; le public découvre alors sa voix grave et sensuelle avec Anna Christie. En 1931, elle donne la réplique à Clark Gable dans La Courtisane. Si l’alchimie entre les deux fonctionne bien à l’écran, ils se détestent cordialement en coulisse. L’année suivante, elle a pour partenaire Melvyn Douglas dans Comme tu me veux ; et fait partie du casting impressionnant de Grand Hotel qui rassemble le Who's Who de l'époque, dont John et Lionel Barrymore, Joan Crawford. Son interprétation de la Dame aux camélias dans Le Roman de Marguerite Gautier en 1937 est alors considérée comme une des meilleures jamais faite. Ce rôle est d’ailleurs le préféré de l’actrice. En 1939, elle tourne Ninotchka, sous la direction d’Ernst Lubitsch, un réalisateur qu’elle apprécie. Mais ni ce film, ni le suivant (La Femme aux deux visages, 1941) ne remportent autant de succès que ses oeuvres passées. C’est alors qu’elle met fin à sa carrière, au sommet de sa gloire.
Elle quitte Hollywood pour s’installer à New York au début des années 1950 où elle résidera jusqu’à son décès, le 15 avril 1990, des suites d’une insuffisance rénale et d’une pneumonie. Contrairement à ce que l’on a prétendu, elle n’a pas vécu recluse durant toutes ces années. Elle a simplement refusé de faire toute apparition public, fuyant les Strass et les paillettes hollywoodiennes.
Auteur : Olivier Pallaruelo