Le 19 décembre 1964, lors du transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon, André Malraux fait l'éloge de l'homme qui sut fédérer la Résistance avant de mourir en martyr. Dans la longue liste de ces Français qui participèrent aux combats de la Libération, à qui pensait André Malraux, ce jour-là, lorsqu'il évoquait " les officiers réactionnaires et les rescapés de la Cagoule " ? Serait-ce à Gilbert Renault, alias Rémy, à Maurice Duclos, à Pierre Fourcaud, à Honoré d'Estienne d'Orves, à Daniel Cordier, à Jacques Renouvin, à Georges Loustaunau-Lacau, à Marie Madeleine Fourcade, à Henry Frenay et à tant d'autres ? Quelles convictions animaient ces femmes et ces hommes qui entrèrent dans la lutte dès les premiers jours ? Eux qui, comme beaucoup de leur génération, s'étaient engagés dans l'agitation antiparlementaire, monarchiste et antirépublicaine, avaient été formés à l'école de l'Action Française et de ses diatribes nationalistes et antisémites, au nom de quelles valeurs refusèrent-ils la défaite dès l'été 1940 ? Quelles amitiés, anciennes ou nouvelles, furent alors mises à l'épreuve dans ces combats de l'ombre ? Aujourd'hui, ces engagements semblent difficilement compréhensibles, tant notre culture de ces années terribles est devenue celle de la seule opposition entre la barbarie nazie et les valeurs démocratiques et que le nationalisme n'apparaît plus que comme une valeur dépassée, voire même dangereuse. Répondre à ces questions, remonter le fil du temps qui court de la défaite de Sedan et de la perte de l'Alsace et de la Lorraine au désastre de 1940, c'est tenter de comprendre qui furent ces inconnus parmi les premiers au rendez-vous de la Résistance.