NEFES - de Levent Semerçi (Turquie-2009)
Premier film et pas des moindres du cinéaste Levent Semerçi qui puise ici toute sa force dans la mise en scène. Le réalisateur turc évoque "Full Metal Jacket" en abandonnant l'idée de se focaliser sur la masse et en privilégiant l'intimité et la survie d'une poignée d'hommes. De l'entraînement jusqu'à la mission périlleuse de protection dans les montagnes kurdes, le film est intransigeant. Souvent d'une grande poésie, les images au ton monochrome rapellent furieusement l'esthétisme de Tarkovski.
La rage intérieure qui s'empare de chaque soldat est montrée avec force et lucidité tout en restant sur un ton économique. Pas de fioritures ou de dérapages incontrôlés. "Nefes", comme un souffle, retient notre respiration, s'agrémente de scènes qui finissent aussi par nous le couper avant de laisser béa d'admiration.
Voilà un film d'une extrême justesse, qui choisit d'opposer deux camps sans dénoncer. Le point de vue est celui d'une troupe de soldats turque qui se bat contre l'invisible. L'ennemi est invisible, n'est jamais montré, reste caché renforçant le sentiment d'opression.
La tension est à chaque recoin, alors que la caméra s'embarque parfois pour adopter le point de vue à la première personne (subjectif).
La photographie sublime ainsi que le travail sur le son est remarquable.
L'histoire se développe sur deux heures, avec une incroyable maîtrise de l'espace et du temps.
Il y'avait longtemps que film de guerre n'osait pas une telle recherche esthétique conjugée à une mise en scène lucide et inventive.