Quiconque serait un jour tombé, enfant, sur ‘La planète sauvage’ lors d’une de ses (rares) rediffusions à la TV en aura certainement gardé un souvenir vivace. C’est que malgré son demi-siècle d’existence et les scories d’époque (animation en pleine “vallée de l’étrange”; B.O. Jazzy-progressive, etc…) tout dans ce film reste marquant, à commencer par sa scène d’ouverture dans laquelle deux jeunes draags (des extraterrestres humanoïdes à la peau bleue) jouent avec une minuscule humaine et son bébé, jusqu’à la tuer par inadvertance, exactement comme des enfants le feraient d’un insecte. Le scénario, écrit par le célèbre Roland Topor, pose le contexte d’une planète sur laquelle les humains sont des créatures primitives, considérés comme des animaux familiers (quand ils sont domestiqués) ou de la vermine (à l’état sauvage) par une race supérieure, les Draags, dont l’existence tourne autour de la méditation. Fidèle à une certaine idée de la science-fiction réflexive, ‘La planète sauvage’ explore de nombreuses thématiques, pas aussi en profondeur qu’on le voudrait car le film est court mais suffisamment pour laisser le spectateur poursuivre sa propre analyse : l’émancipation par la connaissance, le déclin des civilisations ou encore la lutte darwinienne pour la domination. Le noeud du problème est à chercher dans le refus des “évolués” de considérer les “primitifs” comme de potentiels égaux, ce qui peut tout autant s’appliquer à l’histoire humaine qu’aux rapports entre l’humanité et la nature. Ces aspects philosophiques ne permettraient cependant pas à la Planète sauvage’ de se démarquer de la science-fiction aux visées allégoriques et un brin moralistes si sa facture visuelle, réalisée en Tchécoslovaquie dans une évidente optique surréaliste, n'était pas aussi mémorable. A la rigueur, elle peut parfois faire penser aux collages que Terry Gilliam réalisait pour les Monty Pythons mais dans une logique totalement premier degré. Petit classique de la science-fiction hexagonale, à une époque où ces deux termes n’étaient pas encore devenus antinomiques, ‘La planète sauvage’ est une proposition un peu vieillotte par certains aspects mais étonnamment moderne par d’autres.