Le moins qu'on puisse dire, c'est que ce "Gout du Saké" porte bien son titre. Qu'est ce qu'on picole dans ce film. Surtout les anciens. Et pas que du saké. La bière et le whisky participent également aux libations. Et on ripaille pas mal, aussi.
Mais ce n'est pas que ça, bien sûr. En gros, c'est un peu l'histoire revisitée de "Printemps Tardif", en version plus alcoolisée, et en couleur.
Un père veuf, doit se résoudre à demander à sa fille de se marier, et donc de quitter la maison parentale, conscient qu'il devra supporter un avenir empreint de solitude.
On retrouve le thème de prédilection d'Ozu. Le mariage. Avec les petits complots ourdis par l'entourage pour trouver le mari idéal.
"Le Goût du Saké", ou, comment allier à la perfection nostalgie, mélancolie, et fantaisie. Du grand art.
Ce dernier film de Ozu, tourné en 1962, clôt le cycle que lui a consacré l'excellente chaîne Arte, en 2023, en proposant pas moins de dix films du cinéaste, le plus ancien, "Printemps Tardif", datant de 1949. Je les ai tous vus.
Et je voudrais maintenant dresser un bilan très subjectif et non exhaustif de ces visionnages.
Alors Ozu, c'est quoi?
Tout d'abord, des histoires de familles. Avec un thème récurrent; "Les filles à marier".
C'est aussi des conflits de générations entre des aînés encore traumatisés par la défaite de 1945, qui s'accrochent vainement aux anciennes traditions, et une jeunesse portée par un désir de vivre plus moderne, mais enlisée dans ses occupations professionnelles, et brisant, peu à peu, les liens familiaux. Il faut remarquer que tous ces sujets sont traités par Ozu, sans la moindre violence physique ou verbale. Et ça fait du bien.
La façon de filmer. Des plans fixes avec caméra posée au ras des pâquerettes, ou légèrement surélevée pour les scènes d'intérieurs. Plans fixes aussi, et quelques rares travellings pour les scènes extérieures.
Des lignes ou figures géométriques dans presque tous les plans, avec le mouvement créé par la gestuelle mesurée des personnages, ou le passage des trains.
La sobriété des décors.
La même équipe de techniciens, décorateur, scénaristes.
La même troupe d'acteurs, portant les mêmes noms de personnages au fil des films.
Plein de petites choses communes dans plusieurs films.
- Les petites gargotes. "La Luna" revient souvent.
- Les jeux ou le sport. Mah Jong, dominos, pachinko, base Ball,...
- Les enseignes, en japonais ou en anglais.
Et des choses plus importantes.
- Les repas, le thé, ou les boissons alcoolisées, accompagnant souvent les nombreuses scènes de dialogues.
- Les trains, ou parfois les bateaux à moteur glissant tranquillement sur l'eau, symboles du temps qui passe.
Beaucoup de scènes de dialogues donc, et en contrepoint, des scènes de personnages seuls, qui nous font entrer dans leur pensées.
En somme, un cinéma différent, singulier, fin et subtil, aux antipodes des créations tapageuses qui inondent nos écrans.
Bilan de mes notations pour les dix films d'Ozu proposés par Arte.
3,5 étoiles 2 films
4 étoiles 4 films
4,5 étoiles 1 film
5 étoiles 3 films
Avec une sérieuse envie de mettre cinq étoiles à chaque film, tellement je me suis régalé.
Le cinéma d'Ozu, c'est des sentiments qui se promènent dans la légère brise d'un doux matin d'été.