Je connais assez peu le cinéma de Bergman, et il est vrai que j’avais vu Fanny et Alexandre il y a de cela plusieurs années, et que je n’avais malheureusement pas été bien convaincu.
Bon, soyons honnête, je reconnais que ce film est visuellement superbe. Soin des décors manifestes, costumes sublimes, reconstitution d’époque précise, photographie lumineuse, Fanny et Alexandre est une plongée réjouissante en la matière dans le début du XXe siècle, enchanteur par sa beauté plastique. Je ne peux pas dire que la réalisation d’Ingmar Bergman soit spécialement alerte, malheureusement. Le réalisateur nous offre un travail lourd, pesant, surtout dans une dernière partie où il maitrise mal les aspects « fantasmatiques » de son métrage. Le résultat est une mise en scène assez démonstrative, qui, dans le genre film en costume m’a rappelé le travail de Milos Forman sur Valmont.
La bande son aussi est étrangement restreinte pour un métrage de ce genre. Un choix qui aurait pu se justifier pour la partie centrale qui se veut plus austère, mais qui manque sérieusement pour la première et la dernière partie.
Sur le fond, Fanny et Alexandre est un film qui aborde énormément de bonnes choses, mais dans un traitement pontifiant qui manque d’émotions. Le recours au fantastique parait d’ailleurs terriblement déconnecté de cette volonté exacerbée de précision documentaire dans les décors et le rendu historique. Fanny et Alexandre (surtout Fanny) apparaissent même secondaires dans ce film, ce qui a de quoi surprendre. S’il y a des moments passionnants, notamment une première partie remarquable, petit à petit le film s’enfonce dans des idées plus ambitieuses dont le traitement laisse à désirer, avec un final « grandiloquent » qui ne m’a pas franchement convaincu. Je suis peut-être sévère, mais si Bergman livre un récit propre, et assez fluide malgré la longueur du film, ça manque de vigueur, de puissance, et ça semble de temps en temps se perdre dans des méandres sans issue.
Le casting est bon en revanche. Bertil Guve est très convaincant dans la peau d’un personnage compliqué, tandis que Pernilla Allwin n’a elle guère de présence, malheureusement. En revanche Eva Fröling crève l’écran, et elle porte le film sur ses épaules, tenant un rôle difficile avec une maitrise rare. J’ai aussi trouvé qu’en antagoniste Jan Malmsjö était remarquable, apportant une certaine subtilité à un personnage qui aurait vite pu devenir caricatural et lourdingue. Dans l’ensemble il y a beaucoup d’acteurs mais ils sont bons, et ils campent des personnages intéressants et bien écrits. La première partie nous en présente cependant beaucoup qui n’auront pas tous une place véritablement déterminante sur l’histoire.
Pour ma part j’ai ressenti à peu près la même chose devant Fanny et Alexandre lorsque je l’ai visionné que devant Valmont. Des films esthétiquement très bons, mais avec des mises en scène un peu trop engoncée ; des films avec des acteurs très bons mais handicapés par leurs scénarii. Ici, si l’ambition de Bergman est évidente, il finit, sous la masse de sujets abordés, et par ses choix étranges, notamment sur le plan du fantastique, par se disperser et rendre son film pontifiant. 3