C’est en 1959, trois ans après The Searchers (La prisonière du désert) réalisé par John Ford, que John Huston décide de porter à l’écran un autre roman d’Alan Le May : The Unforgiven. Décrivant une bande de fermiers tarés de l’Ouest américain, habitée par une soif d’extermination des peaux rouges aussi revancharde que pleine de préjugés, Unforgiven enrichit le propos de The Searchers en inversant le kidnapping (une indienne élevée chez les blancs que les Kiowas veulent récupérer). Comme chez John Ford, les liens humains définissent l’appartenance à une comunauté, bien davantage que les clivages ethniques imposés. Le personnage de Johnny Portugal (John Saxon) n’a pas d’équivalent dans le film de John Ford. Métis rejeté des deux côtés mais qui a opté pour les Zachary (le montage de la version sortie en salle amputée la scène de sa mort, au cours d’une action qui le voit tenter de revenir aider, ceux qu’il a choisis) d’abord par conviction, puis par amour pour leur fille Rachel (Audrey Hepburn), appuie encore davantage le propos. The Unforgiven reste pendant plus d’une heure un des grands westerns de l’histoire du cinéma américain. A côté du thème anti raciste, Huston y développe certains points originaux : l’apparition spectrale du militaire en guenille (Joseph Wiseman) qui inspirera certains western spaghetti, mais surtout le réalisateur Clint Estwood (High Plains Drifter, Pale Rider), l’amour incestueux et refoulé, puis libéré (le baiser de Ben/Burt Lancaster sur la bouche de sa « sœur » Rachel/Audrey Hepburn. Malheureusement la fin cède au spectaculaire de mauvais aloi, une dizaine d’éxités massacrant les guerriers kiowas à un contre cinq ! Aussi risible que navrant et peu crédible. A la décharge de John Huston qui prévoyait une fin plus sobre, les producteurs voulaient du spectaculaire pour assurer la recette. Comme il est écrit sur Wikipedia : “… Height's company wanted a more commercial, less controversial, picture, while Huston wanted to make a statement about racism in America. The result is that neither got exactly what they wanted.” (La société de production de Height voulait un film plus commercial et prétant moins sujet à contreverse, alors que Huston voulait un film qui soit un plaidoyer contre le racisme en Amérique. Le résultat fit que ni l’un ni l’autre obttinrent complètement ce qu’ils voulaient). Le film fut, un flop au box office, mettant ainsi fin à la société de production Hecht-Hill-Lancaster, ce qui quelque part n’est que justice.
Reste une interprétation éblouissante : de la mère raffinée, piece centrale du mythe de la famille américaine, sans doute mariée en dehors de sa classe, jusqu’à sa fille adoptive (irrésistible Audrey Hepburn) à qui elle a transmis sa finesse au sein d’une bande de sauvages (les fermiers), en passant par Burt Lancaster, Jonh Saxon, Audie Murphy (dans un étonnant contre emploi qui donnera des idées à Boetitcher) et tous les autres. Et grand western oblige, une mise en image somptueuse. Dans la vraie vie ce film fut maudit : grave chute de cheval d’Audrey Hepburn qui était enceinte et qui fera une fausse couche (elle n’en blamera jamais la réalisation, malgré la rumeur qui fit que John Huston détesta ce film), luxation du bras pour Audie Murphy, mort de trois techniciens dans un accident d’avion.