Tourné en 1971, Le soldat bleu jette d'abord un voile funeste sur l'Histoire des Etats-Unis et la conquête des territoires indiens au détriment de leurs populations. Mais le film de Ralph Nelson s'inscrit surtout comme un manifeste contre la guerre du Viêtnam : en 1970, Richard Nixon ordonne le bombardement de la zone frontière du Viêtnam avec le Cambodge, pays pourtant neutre, ce qui se traduit par une escalade du conflit. 1971, c'est aussi l'année où le lieutenant William Calley, responsable du massacre de My Lai survenu en mars 1968, qui fit entre 350 et 500 morts civils, fut condamné à la prison à vie pour meurtre prémédité; avant que sa peine ne soit commuée sur intervention de Nixon en assignation à résidence. Cette affaire, l'une des plus tristement célèbres dans l'histoire de cette guerre, a largement contribué à la montée en puissance des mouvements pacifistes aux Etats-Unis.
Afin de filmer de la manière la plus réaliste possible le carnage de Sand Creek, où 700 indiens appartenant aux Cheyennes (dont de nombreux enfants) furent massacrés dans des conditions abominables, Ralph Nelson sollicita des orphelins diversement amputés. Des prothèses furent alors fabriquées pour eux, et furent arrachées ou coupées en morceaux lors du tournage de la fameuse scène...
Une affiche du Soldat Bleu est accrochée sur le mur de la chambre de Sydney Tamiia Poitier alias Jungle Julia dans Boulevard de la mort de Quentin Tarantino.
Tout comme le fait Little Big Man en 1970, qui dépeint entre-autre un Général Custer très loin de l'image populaire qu'il a laissé, Le soldat bleu fait parti de ces films, surtout réalisés à partir des années 1960 (à quelques exceptions près), à prendre à rebours le glorieux mythe de la conquête de l'Ouest, qui donnait le plus souvent le mauvais rôles aux populations indiennes. Ici, les vrais ennemis, ce sont les blancs. Mais le film de Ralph Nelson va sans doute plus loin que celui d'Arthur Penn, en ce que le sujet même du film est l'un des pires crimes perpétré par l'armée américaine. D'autres westerns prennent aussi pour cadre des faits divers peu glorieux de l'Histoire américaine. Michael Cimino s'intéresse par exemple à la guerre du Comté de Johnson survenue dans le Wyoming en avril 1892, avec sa fresque La Porte du paradis. Quant au cinéaste transalpin Sergio Corbucci, il revient avec Le Grand Silence sur les massacres de populations commis par les chasseurs de primes, survenus dans l'Utah en 1898. On peut également citer Bury My Heart At Wounded Knee, qui revient sur le massacre des amérindiens Lakota par le 7e régiment de cavalerie, survenu le 29 décembre 1890. 200 indiens, hommes femmes et enfants, trouvèrent la mort, incluant leur légendaire chef "Big Foot".
Le massacre de Sand Creek eut lieu en 1864. Dans la version française du film, le personnage incarné par Peter Strauss déclare à Kathy Maribel Lee (Candice Bergen) que son père a été tué aux côté du général Custer à Little Big Horn l'année précédente. Or ce qui est surtout connu par le public américain comme le "Custer's Last Stand" ("dernière résistance de Custer") ne se déroula que treize ans plus tard, le 25 juin 1876.